Un véritable séisme vient de secouer le monde de la publicité en ligne. Le régulateur britannique de la protection des données (ICO) n’y est pas allé de main morte pour fustiger la nouvelle politique de Google en matière de traçage publicitaire des internautes. Une pratique qualifiée sans détour d' »irresponsable » par l’autorité.
Google se tourne vers l’empreinte numérique pour traquer les internautes
Au cœur de la polémique, l’utilisation par Google de ce qu’on appelle l’« empreinte numérique ». Concrètement, il s’agit pour la firme de Mountain View de collecter des informations sur les logiciels et appareils utilisés par les internautes. Une fois combinées, ces données permettent d’identifier un utilisateur de manière unique, à la manière d’une véritable empreinte digitale sur le web.
Le hic, c’est que contrairement aux fameux « cookies », ces marqueurs bien connus qui permettent de retracer notre parcours sur la toile, l’empreinte numérique se fait de manière beaucoup plus sournoise et intrusive. Difficile en effet pour un utilisateur lambda d’y consentir ou de s’y opposer explicitement comme il peut le faire avec les cookies.
Une pratique qui bafoue les attentes de confidentialité des utilisateurs
Ce qui choque particulièrement l’ICO dans cette affaire, c’est que Google avait par le passé reconnu lui-même que l’empreinte numérique « ne répondait pas aux attentes des utilisateurs en matière de confidentialité ». Un sacré revirement donc, que l’ICO n’hésite pas à qualifier d' »irresponsable », y voyant une menace évidente pour le choix et le contrôle des internautes sur la façon dont leurs données sont collectées et exploitées.
Nous pensons que ce changement est irresponsable, alors que Google avait déclaré par le passé que l’empreinte numérique « ne répondait pas aux attentes des utilisateurs en matière de confidentialité »
L’ICO dans un communiqué
Une technologie difficile à désactiver pour les utilisateurs
Autre grief mis en avant par le régulateur britannique : la difficulté pour un internaute de se soustraire à cette technique de traçage. Si les cookies peuvent facilement être supprimés ou désactivés par l’utilisateur, modifier son empreinte numérique s’avère beaucoup plus compliqué. Un véritable casse-tête pour ceux souhaitant garder le contrôle sur leurs données personnelles.
L’ICO prêt à sévir face à une utilisation abusive
Face à ce qu’il considère comme un « abus de position dominante » et une atteinte à la vie privée des utilisateurs, l’ICO se veut ferme. S’il dit vouloir poursuivre le dialogue avec Google, le gendarme britannique des données prévient que les entreprises « n’ont pas carte blanche » pour utiliser cette technologie à leur guise. Et de menacer : en cas d’utilisation illégale ou opaque, « l’ICO agira » promet-il.
En attendant, les entreprises n’ont pas carte blanche pour utiliser (cette technologie) à leur guise. Celle-ci devra « être déployée de manière légale et transparente – et si ce n’est pas le cas, l’ICO agira ».
L’ICO dans un communiqué
Google se défend et promet un usage « responsable » des données
De son côté, Google tente de calmer le jeu. Le géant américain assure poursuivre les discussions avec l’ICO et rappelle que les adresses IP, au cœur de cette empreinte numérique, sont déjà « couramment utilisées par d’autres acteurs du secteur ». La firme promet également de continuer à donner le choix aux utilisateurs de recevoir ou non des publicités personnalisées.
Mais au-delà de ces engagements de façade, difficile de ne pas voir dans ce revirement de Google une énième tentative de contourner les régulations en faveur de la protection des données personnelles. Une stratégie qui, si elle n’est pas nouvelle, prend ici une tournure particulièrement inquiétante, l’empreinte numérique apparaissant bien plus intrusive et opaque que les cookies.
Un enjeu crucial pour la protection de notre vie privée en ligne
Au-delà du cas Google, c’est bien la question du traçage publicitaire dans son ensemble qui est posée. À l’heure où nos vies se déroulent de plus en plus sur le web, préserver notre intimité numérique apparaît comme un enjeu fondamental. Il en va de notre liberté de choix, de notre droit à une sphère privée préservée des appétits publicitaires.
Espérons que le coup de semonce de l’ICO sera entendu et incitera les acteurs du numérique à plus de transparence et de respect envers les utilisateurs. La confiance et l’adhésion du public en dépendent. Et sans elle, c’est tout l’écosystème de la publicité en ligne qui pourrait vaciller. Les géants de la tech sont prévenus : les régulateurs veillent au grain, prêts à sévir en cas de dérive. La partie ne fait que commencer, mais une chose est sûre : notre vie privée numérique mérite d’être défendue becs et ongles. A nous tous d’y veiller, autorités comme citoyens.