C’est un véritable coup de tonnerre dans le paysage médiatique français. Alors que la vente de l’hebdomadaire Marianne semblait en bonne voie, le propriétaire CMI France a finalement décidé de conserver le titre et d’en confier les rênes à une figure bien connue du journalisme : Frédéric Taddeï. Ce dernier remplace ainsi Natacha Polony, qui dirigeait la rédaction depuis 2018.
CMI France mise sur la continuité des valeurs de Marianne
Dans un communiqué, le groupe CMI France a affirmé sa volonté de « maintenir avec Marianne un hebdomadaire qui défende les valeurs républicaines, sociales et laïques ». Un engagement fort qui semble aller dans le sens d’une continuité éditoriale, malgré le changement de direction.
Le choix de Frédéric Taddeï apparaît comme un signal envoyé aux lecteurs et à la rédaction. Journaliste chevronné, il est connu pour son esprit libre et son goût du débat, qu’il a notamment exercés dans ses émissions Ce soir (ou jamais !) sur France 3 ou plus récemment Interdit d’interdire sur RT France.
Un nouveau départ après des mois d’incertitude
Cette nomination intervient après plusieurs mois de flottement autour de l’avenir de Marianne. En juillet dernier, CMI France avait entamé des discussions exclusives avec l’entrepreneur Pierre-Edouard Stérin en vue d’une cession, avant que celles-ci n’échouent. Rebelote en novembre avec Jean-Martial Lafranc, sans plus de succès.
Selon une source proche du dossier, les désaccords portaient principalement sur les garanties d’indépendance réclamées par la rédaction et la pérennité économique du titre.
Face à ces difficultés, CMI France a donc décidé de reprendre la main, tout en insufflant un nouvel élan avec la nomination de Frédéric Taddeï. Reste à savoir comment ce dernier compte s’y prendre pour relancer la machine et fédérer une rédaction échaudée par des mois d’incertitude.
Les défis de Frédéric Taddeï
Le nouveau patron de Marianne aura fort à faire dans les prochains mois. Sur le plan éditorial d’abord, il devra réaffirmer la ligne du journal, entre radicalité assumée et ouverture au débat. Un équilibre subtil dans un contexte de polarisation croissante du débat public.
Frédéric Taddeï devra aussi travailler à remotiver des troupes mises à rude épreuve, en s’appuyant sur les talents historiques de la rédaction tout en apportant un regard neuf. Le tout sans perdre de vue l’enjeu de la transition numérique et de la conquête de nouveaux lecteurs.
Enfin, le journaliste aura pour mission de pérenniser le modèle économique de l’hebdomadaire, fragilisé comme beaucoup de titres de presse par la baisse des ventes papier. Un sacré programme en perspective, mais Frédéric Taddeï en a vu d’autres dans sa carrière.
Une figure clivante, un pari risqué ?
Si le nom de Frédéric Taddeï fait largement consensus au sein de la profession pour ses qualités de journaliste et d’intervieweur, son image est plus clivante auprès du grand public. Son passage par la chaîne russe RT France lui a valu des critiques, certains l’accusant de servir de caution à un organe de propagande.
Une polémique dont l’intéressé s’est toujours défendu, revendiquant son souci du pluralisme et son attachement à la liberté d’expression. Nul doute qu’il mettra ces principes en avant pour désamorcer les procès en légitimité qui pourraient lui être faits.
Interrogé sur ces critiques, un proche de Frédéric Taddeï assure : « Il a fait ses preuves depuis suffisamment longtemps pour qu’on ne le résume pas à un passage chez RT. Avec lui, Marianne sera dans la continuité de ce qu’elle a toujours été : un journal libre et anticonformiste. »
En misant sur une personnalité aussi singulière que Frédéric Taddeï, CMI France fait un pari audacieux, voire risqué. Celui d’une radicalité assumée dans le débat d’idées, quitte à bousculer son lectorat. Un positionnement dans l’air du temps, à l’heure des médias d’opinion et des prises de position tranchées sur les réseaux sociaux.
Mais c’est aussi le pari d’une presse indépendante et exigeante, refusant la pensée unique et les carcans idéologiques. Une ligne éditoriale qui a fait l’ADN de Marianne depuis sa création en 1997, et que Frédéric Taddeï aura à cœur de préserver et de réinventer. Un sacré défi dans un univers médiatique en pleine mutation.