C’est un dénouement inattendu dans une affaire qui empoisonnait les relations entre Paris et Ouagadougou depuis un an. Quatre ressortissants français, détenus au Burkina Faso pour des soupçons d’espionnage, ont finalement été remis en liberté ce jeudi 19 décembre 2024. Leur libération est le fruit d’une délicate médiation marocaine, saluée par le président Emmanuel Macron.
Tout commence en décembre 2023, lorsque les quatre hommes, des fonctionnaires en mission pour le compte de la direction générale du renseignement extérieur (DGSE), sont arrêtés par les autorités burkinabées. Accusés d’espionnage, ils sont jetés en prison, sans autre forme de procès. Pendant un an, la France multiplie les démarches pour obtenir leur libération, en vain.
Car entre-temps, le Burkina Faso a basculé. En septembre 2022, un coup d’État a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré, un jeune officier aux accents antifrançais. Depuis, les relations se sont constamment dégradées entre les deux pays, sur fond d’influence grandissante de la Russie au Sahel.
Une médiation marocaine décisive
Dans ce climat de défiance, le Maroc a joué un rôle déterminant pour débloquer la situation. Le royaume chérifien, allié traditionnel de la France en Afrique, a usé de ses bons offices auprès de la junte burkinabée. Une source diplomatique confie :
« Les discussions ont été longues et difficiles, mais le roi Mohammed VI tenait à obtenir un geste d’apaisement de la part d’Ouagadougou. C’est chose faite avec cette libération. »
Le président Macron s’est d’ailleurs entretenu avec le souverain marocain mercredi soir, pour le « remercier chaleureusement de la réussite de cette médiation », indique l’Élysée.
Un contexte sécuritaire dégradé
Mais au-delà du soulagement, cette affaire met en lumière la dégradation sécuritaire au Sahel et les tensions croissantes entre la France et ses anciennes colonies. Depuis plusieurs années, Paris est engagé militairement dans la région pour lutter contre les groupes djihadistes. Mais son influence s’érode face à la montée des sentiments antifrançais et à la concurrence de Moscou.
Le Burkina Faso en est l’illustration. Confronté à une menace terroriste grandissante, le pays a choisi de se tourner vers d’autres partenaires, au risque de fragiliser encore plus la stabilité régionale. Un haut gradé français s’alarme :
« Nous devons absolument éviter un scénario à la malienne, avec un retrait précipité qui laisserait le champ libre aux djihadistes et aux mercenaires russes. Il en va de notre sécurité et de celle de l’Europe. »
Des otages comme monnaie d’échange ?
Certains voient dans la détention prolongée des quatre Français une manoeuvre délibérée de la junte burkinabée pour faire pression sur Paris. Un proche du dossier analyse :
« Ces hommes étaient des pions dans un jeu géopolitique qui les dépassait. En les emprisonnant sous des prétextes fallacieux, Ouagadougou voulait montrer qu’elle avait les moyens de nuire aux intérêts français. »
Une stratégie risquée, qui a fini par se retourner contre le pouvoir burkinabé. Car la France n’est pas restée inactive durant cette année de crise. Paris aurait ainsi gelé une partie de son aide au développement et menacé de réduire sa coopération sécuritaire, selon une source officielle.
Quel avenir pour le partenariat franco-burkinabé ?
Reste à savoir si la libération des quatre otages suffira à apaiser les relations entre les deux pays. Beaucoup en doutent, tant les rancœurs se sont accumulées ces derniers mois. Un diplomate en poste à Ouagadougou témoigne :
« Le mal est fait, la confiance est rompue. Il faudra du temps pour reconstruire un partenariat équilibré et mutuellement bénéfique. D’autant que les voix antifrançaises restent très influentes au sein de la junte. »
Emmanuel Macron, qui se rendra en début d’année prochaine en Afrique de l’Ouest, devra donc s’employer à retisser patiemment les liens avec cet allié historique devenu méfiant. Un défi de taille, alors que le Sahel n’en finit plus de s’embraser. Les quatre ex-otages français, eux, pourront méditer sur cette nouvelle réalité géopolitique.