Imaginez un champ de la mort. Des tranchées à perte de vue renfermant les dépouilles de dizaines de milliers d’innocents. Tel est le macabre tableau qui se dessine en Syrie, alors que le régime sanguinaire de Bachar el-Assad s’effondre. Pendant plus d’une décennie, une impitoyable machine à tuer aurait œuvré dans l’ombre, faisant disparaître et exécutant en masse opposants politiques et civils. Aujourd’hui, les fosses communes parlent. Et leurs révélations sont insoutenables.
Le régime syrien face à ses crimes
Avec la chute d’Assad, c’est tout un système de répression qui est mis à nu. Selon un procureur international pour les crimes de guerre, plus de 100 000 personnes auraient été torturées et assassinées depuis 2013 par le régime déchu, principalement durant les premières années de la guerre civile. Une véritable hécatombe.
Les témoignages affluent, mettant en lumière l’horreur vécue par les victimes. D’après des sources concordantes, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants auraient été enlevés, affamés, mutilés puis froidement exécutés. Leurs corps auraient ensuite été charriés par camions vers de vastes charniers, où ils étaient sommairement enterrés à l’aide d’excavateurs.
Lorsque vous parlez de ce genre de meurtre organisé par l’État, nous n’avons vraiment rien vu de tel depuis les nazis.
Stephen Rapp, procureur international pour les crimes de guerre
Une mécanique de la terreur
Le régime Assad aurait mis en place une effroyable chaîne de la mort impliquant des milliers de personnes à tous les niveaux. Des agents enlevaient les victimes, des geôliers les torturaient, des chauffeurs transportaient les cadavres et des conducteurs d’engins les ensevelissaient dans des fosses communes. Une mécanique bien huilée dans le seul but d’annihiler toute opposition.
Les images satellites attestent de l’ampleur de ce crime contre l’humanité. Entre 2012 et 2022, des clichés montrent le creusement à grande échelle de fosses dans différentes régions de Syrie. Des tranchées de 6 à 7 mètres de profondeur sur 50 à 150 mètres de long auraient ainsi été réalisées pour y jeter pêle-mêle les corps des suppliciés.
Un long chemin vers la justice
Si les preuves des atrocités s’accumulent, la route sera encore longue avant que les bourreaux ne soient traduits en justice. Les enquêteurs et médecins légistes ont devant eux un travail titanesque pour exhumer et identifier les dizaines de milliers de victimes disséminées dans les fosses communes du régime.
Un processus qui pourrait prendre des années, mais qui apparaît indispensable pour honorer la mémoire des disparus et permettre à leurs proches d’entamer leur deuil. Les familles de plus de 150 000 Syriens portés disparus depuis 2011 attendent des réponses et espèrent que les coupables seront un jour face à leurs crimes.
C’est l’endroit des horreurs.
Un habitant d’Al-Qutayfah en Syrie à propos d’un charnier
Alors que la Syrie panse difficilement ses plaies, l’heure est à la documentation minutieuse des exactions pour que justice soit rendue. Le chemin sera escarpé mais la vérité, même enfouie dans les entrailles de la terre, finit toujours par éclater au grand jour. Et les victimes de la barbarie, aussi nombreuses soient-elles, ne seront pas oubliées.
Accompagner la transition syrienne
Au-delà de la nécessaire justice, la communauté internationale a un rôle crucial à jouer pour accompagner la transition démocratique syrienne. Alors que le pays est exsangue après des années de guerre et de répression, l’aide humanitaire doit être massivement déployée pour soulager les populations.
Mais il s’agira aussi d’appuyer l’émergence d’institutions stables, transparentes et respectueuses des droits de l’Homme. Un défi immense qui nécessitera coordination et persévérance pour tourner définitivement la page des heures les plus sombres de la Syrie.
La Syrie a besoin de paix, de justice et de réconciliation. Nous devons être aux côtés de ce peuple qui a tant souffert.
Un diplomate occidental
Les fosses communes de Syrie resteront à jamais comme le témoignage d’une période effroyable où la barbarie l’a emporté sur l’humanité. Mais elles doivent aussi être le point de départ d’une ère nouvelle. Le peuple syrien, après avoir enduré l’indicible, mérite de retrouver la paix et la dignité. C’est tout l’enjeu des mois et années à venir.