C’est une affaire de violences policières qui suscite l’indignation à Vénissieux, près de Lyon. En juin dernier, une interpellation particulièrement musclée avait été filmée sous plusieurs angles et diffusée massivement sur les réseaux sociaux. On y voyait notamment un agent asséner de violents coups de tonfa à un homme plaqué au sol. Mais malgré ces images choquantes, l’enquête ouverte par le parquet a finalement été classée sans suite en novembre, provoquant colère et incompréhension chez les proches de la victime.
Retour sur une interpellation qui dégénère
Tout commence le 4 juin au soir, dans le quartier sensible du Plateau à Vénissieux. Selon des sources proches du dossier, une quinzaine d’individus auraient pris à partie une patrouille de la brigade spécialisée de terrain (BST) et commencé à leur jeter des projectiles. Pour se dégager, les policiers font un large usage de gaz lacrymogène, créant un épais nuage de fumée.
C’est alors qu’intervient le fils du gérant d’un bureau de tabac tout proche, incommodé par les gaz. Il reproche vivement leur utilisation aux forces de l’ordre. S’ensuit une vive altercation. Le ton monte rapidement. L’homme est plaqué au sol, frappé à coups de matraque télescopique puis interpellé pour outrage et rébellion. Blessé, il sera conduit à l’hôpital.
Des images très explicites
La scène, filmée par de nombreux témoins, ne laisse guère place au doute. Sur les vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux, on voit distinctement un fonctionnaire rouer de coups le suspect, qui ne semble pas opposer de résistance. L’agent semble même remonter son cache-cou pour masquer son visage, signe qu’il a conscience d’être filmé en train de commettre un probable abus de force.
Du côté de la police, on argue que l’homme interpellé était en train de donner des coups de pied à un autre agent hors champ. L’utilisation de la force aurait visé à le maîtriser à distance. Mais cette version est contestée par les proches de la victime, qui dénoncent une violence démesurée et injustifiée.
Une enquête classée malgré les preuves vidéo
Rapidement, une plainte est déposée et le parquet ouvre une enquête pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique. Un député LFI de la circonscription saisit même la justice via un article 40. Pourtant, le 13 novembre, le parquet décide de classer le dossier sans suite.
Motif invoqué : les images ne suffisent pas à caractériser l’infraction et les circonstances n’ont pu être suffisamment établies par les investigations. Une décision incompréhensible pour la famille de la victime, qui compte bien ne pas en rester là et envisage des recours, comme la saisine d’un juge d’instruction.
Le papa est écœuré, témoigne un proche. Il y a un sentiment d’injustice qu’il ne laissera pas passer.
Des tensions récurrentes
Cette affaire vient raviver les tensions déjà vives entre police et population dans ce quartier gangréné par les trafics. Le bureau de tabac, situé à proximité immédiate d’un point de deal, est régulièrement le théâtre d’affrontements.
Un an après la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, et les émeutes urbaines qui ont suivi, la question des violences policières reste un sujet brûlant. Ce énième cas suscitant l’émotion, les autorités avaient d’ailleurs pris les devants en déployant des renforts pour prévenir tout débordement. Mais l’appel au calme de la famille semble avoir été entendu pour le moment.
Une impunité dénoncée
Au-delà de ce fait divers, c’est bien la question de l’impunité des forces de l’ordre qui est une nouvelle fois posée. De nombreux élus, militants associatifs et avocats s’indignent de la clémence dont bénéficient trop souvent les policiers mis en cause, même face à des preuves vidéo accablantes.
Combien de classements sans suite scandaleux faudra-t-il encore avant que la justice ne sanctionne enfin les abus ?, s’interroge un avocat spécialisé. Même filmés en flagrant délit, les agents violents restent intouchables.
Si l’immense majorité des fonctionnaires exercent leur difficile mission avec professionnalisme, la multiplication des affaires met en lumière un problème systémique de violences dans les rangs de la police. Un mal qui gangrène la relation avec la population et nourrit un dangereux sentiment d’injustice. Une réponse pénale plus ferme semble indispensable pour endiguer le phénomène et restaurer la confiance.