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Retour D’Exilés Civils et Combattants Dans La Ghouta Orientale en Syrie

Après des années d'exil forcé par le conflit, d'anciens habitants et combattants regagnent progressivement la Ghouta orientale, région à la périphérie de Damas lourdement éprouvée par la guerre. Un retour semé d'embûches dans des villages en ruines...

Sur la route poussiéreuse menant à Douma, un triste spectacle s’offre aux yeux des voyageurs. Les squelettes de béton des immeubles éventrés par les bombes contrastent avec la douceur des oliveraies et des champs de choux qui bordent le chemin. Bienvenue dans la Ghouta orientale, une région de la banlieue de Damas qui porte encore les stigmates de la guerre.

Le difficile retour des exilés

Pourtant, depuis quelques mois, un mouvement encore timide se dessine. Certains anciens habitants, chassés par les violents combats, reviennent s’installer dans leurs villages en ruines. Parmi eux, des civils bien sûr, mais aussi d’ex-combattants rebelles qui avaient fui lors de la reconquête de la zone par le régime en 2018.

C’est le cas de Hatim al-Hafiri, arrivé la veille d’Alep. Les larmes aux yeux, il parcourt les allées du cimetière des martyrs de Douma, à la recherche de la tombe de son fils, un jeune milicien tué lors d’affrontements contre l’armée syrienne en 2015. « Sous chaque tombe, il peut y avoir plus de 9 corps enterrés pour un seul nom inscrit », se désole-t-il face aux centaines de monticules de terre.

Revivre parmi les ruines

Malgré le chagrin et la douleur, Hatim a décidé de revenir vivre à Douma avec sa famille. Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à tenter de se réinstaller dans ces villages fantômes de la Ghouta, malgré le manque de tout. « Il n’y a plus d’électricité ni d’eau courante, les écoles et les hôpitaux sont détruits. Mais c’est chez nous ici, on veut reconstruire nos maisons et nos vies », témoigne Oum Khaled, une mère de famille originaire de Harasta.

La tâche s’annonce immense tant les destructions sont importantes, notamment à Douma, l’ancien fief de la rébellion, rayée de la carte par l’aviation et l’artillerie du régime. Selon un rapport de l’ONU publié en 2019, 93% des bâtiments de la ville seraient endommagés ou détruits. De quoi décourager plus d’un, mais pas ces irréductibles bien décidés à repartir de zéro.

La difficile réintégration des anciens rebelles

Pour les ex-combattants, le retour est encore plus compliqué. Après leur reddition en 2018, beaucoup avaient été évacués vers le nord-ouest de la Syrie, dernier bastion de l’opposition. Mais certains font aujourd’hui le chemin inverse, malgré les risques de représailles.

« J’ai passé deux ans en prison après la chute de la Ghouta. Quand j’ai été libéré, je suis parti vivre à Idleb. Mais la situation était invivable là-bas, sans travail ni avenir. Alors j’ai décidé de rentrer, même si je sais que je suis sur la liste noire du régime », raconte Abou Omar, un ancien franc-tireur de l’Armée de l’Islam qui a repris son métier de mécanicien à Douma.

Comme lui, des dizaines d’ex-rebelles sont revenus ces derniers mois dans la Ghouta, en s’arrangeant avec les services de sécurité. Un retour sous haute surveillance, qui implique souvent de s’engager dans les milices pro-régime pour prouver sa « repentance » et éviter la prison. Un compromis douloureux pour ces hommes qui ont combattu pendant des années contre ces mêmes forces.

Un avenir incertain

Au delà des défis sécuritaires, c’est aussi la situation économique désastreuse qui pèse sur l’avenir de ces territoires. Avec un taux de destruction approchant les 100% dans certaines villes comme Douma ou Harasta, tout est à reconstruire. Mais en pleine crise financière, Damas peine à débloquer des fonds pour ces zones longtemps considérées comme rebelles.

On nous avait promis de l’aide pour reconstruire nos maisons et relancer l’économie locale. Mais jusqu’ici on n’a rien vu à part quelques sacs de nourriture. Sans investissements de l’État ou de l’étranger, la Ghouta ne se relèvera pas.

Mohamad, commerçant à Douma

Malgré ces immenses défis, beaucoup veulent croire en des jours meilleurs. Comme Oum Khaled qui a rouvert une petite épicerie dans les ruines de Harasta : « La route est encore longue mais on garde espoir. Un jour, la vie reprendra son cours normal ici, comme avant la guerre. Nos enfants méritent un avenir dans leur terre natale. »

Un optimisme que tentent de cultiver ces irréductibles de la Ghouta, bien décidés à faire revivre leurs villes meurtries, en dépit des plaies encore à vif laissées par une décennie de conflit fratricide.

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