Un nouveau rapport conjoint du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) tire la sonnette d’alarme sur la situation préoccupante des droits humains dans ce jeune pays d’Afrique de l’Est. Selon ce document, qui s’appuie sur des cas vérifiés et documentés, pas moins de 1140 civils ont été arrêtés arbitrairement et détenus pour des durées variables entre janvier 2023 et mai 2024. Parmi eux figurent des membres de l’opposition politique ou des personnes perçues comme y étant liées, mais aussi au moins 87 enfants et 162 femmes.
Des conditions de détention « dures » mettant en danger la vie des détenus
Au-delà du caractère arbitraire et illégal de ces arrestations, ce sont les conditions de détention qui sont pointées du doigt par l’ONU. Le rapport fait état d’établissements « surchargés » où les détenus sont soumis à des traitements « durs » mettant leur vie « en danger ». Des dizaines de cas de tortures, de traitements cruels ou de violences sexuelles ont également été documentés. Une situation d’autant plus préoccupante que la plupart de ces exactions ont été perpétrées par des agences de sécurité gouvernementales, bien que des groupes non-étatiques soient aussi mis en cause.
Femmes et enfants particulièrement vulnérables
Parmi les victimes de ces détentions arbitraires, on compte de nombreuses femmes, pour la plupart arrêtées pour avoir refusé des mariages arrangés, demandé le divorce ou pour adultère présumé. Certaines ont été détenues pendant plusieurs semaines. Les enfants ne sont pas épargnés, puisque 87 d’entre eux au moins ont aussi été privés de liberté en toute illégalité. Un constat qui fait craindre des violations graves des droits de l’enfant dans un pays déjà en proie à de multiples crises.
Ce rapport n’est que la partie émergée de l’iceberg des souffrances humaines considérables causées par les pratiques de détention arbitraire, à la fois dans le contexte du conflit armé et de la faiblesse significative du secteur judiciaire.
L’ONU dans son rapport
Un pays en crise depuis son indépendance
Le plus jeune pays du monde, indépendant seulement depuis 2011, peine à instaurer un État de droit et à assurer la protection de ses citoyens. En proie à un conflit armé ainsi qu’à des violences récurrentes, sur fond de grande pauvreté malgré ses ressources pétrolières, le Soudan du Sud cumule les crises humanitaires et sécuritaires. Un nouveau report de deux ans des premières élections démocratiques, annoncé en septembre dernier, fait craindre une instabilité durable.
L’ONU appelle à la libération immédiate des détenus et à la fin de l’impunité
Face à ces graves violations des droits humains, Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a lancé un appel aux autorités sud-soudanaises pour qu’elles « libèrent toutes les personnes privées arbitrairement de leur liberté et traduisent en justice les responsables de ces violations et abus. » Un message clair pour tenter de mettre fin à l’impunité qui semble régner dans le pays et restaurer l’État de droit. Reste à savoir si cet énième cri d’alarme sera entendu et suivi d’effets concrets pour améliorer le sort de la population civile, otage des violences et du chaos.
Le chemin vers la paix, la stabilité et le respect des droits fondamentaux semble encore long et semé d’embûches pour le Soudan du Sud. La communauté internationale, à travers l’action de l’ONU et de ses agences, tente de peser de tout son poids pour infléchir la situation. Mais sans une réelle volonté politique des dirigeants et une mobilisation de la société civile locale, le sort des civils risque de rester précaire. Il en va de l’avenir de toute une nation, qui aspire à tourner la page des conflits et à se construire un futur meilleur. Un défi immense, qui nécessitera un engagement sans faille et un soutien international constant dans la durée.