Une lugubre découverte vient d’être faite en banlieue de Damas, la capitale syrienne. Les Casques blancs, une organisation de secouristes locaux, ont annoncé mercredi avoir mis au jour des corps et ossements humains dans un entrepôt abandonné. Alors que le pays peine à se relever après plus d’une décennie de conflit meurtrier, ces sinistres trouvailles se multiplient depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre dernier.
À une cinquantaine de mètres d’un mausolée chiite réputé au sud de Damas, c’est un bien macabre spectacle qu’a découvert un journaliste de l’AFP sur les lieux. L’entrepôt en question était jonché de boîtes de médicaments éventrées. Au milieu de ce chaos, des secouristes en combinaison blanche s’affairaient à transporter des dépouilles dans des sacs noirs, en vue de les évacuer par camion.
Une odeur putride a alerté les secouristes
D’après Ammar al-Salmo, un responsable des Casques blancs interrogé par l’AFP, c’est l’odeur pestilentielle se dégageant du site qui a donné l’alerte. « Nous avons reçu des signalements faisant état d’odeurs putrides émanant de ce site. Dans l’entrepôt, on a trouvé un frigo où gisaient des corps en décomposition », a-t-il expliqué. Des restes humains étaient également dispersés à même le sol. Selon ses estimations, le nombre de victimes ne dépasserait pas la vingtaine.
Sur les sacs contenant les corps, M. Salmo a relevé les inscriptions « Alep-Hraytan », accompagnées de numéros. Alep et Hraytan sont respectivement une grande ville et une localité du nord de la Syrie. Aucun autre élément ne permettait d’identifier les personnes décédées. L’AFP n’a pas été en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante dans l’immédiat.
Des prélèvements ADN pour tenter d’identifier les victimes
Face à ce mystère, les Casques blancs vont s’efforcer d’établir l’âge des victimes dans un premier temps. « Nous allons essayer d’établir l’âge des victimes puis d’effectuer des prélèvements sur ces corps pour réaliser des tests ADN et tenter de retrouver leurs familles », a précisé M. Salmo. Un travail d’identification qui s’annonce ardu et potentiellement de longue haleine.
Une longue liste de disparus depuis le début de la guerre
Cette sombre découverte n’est malheureusement pas la première du genre en Syrie depuis la fuite de Bachar al-Assad le 8 décembre. De nombreux corps ont été exhumés de plusieurs fosses communes à travers le pays ces derniers mois. Un lourd héritage de 13 années d’une guerre civile dévastatrice, qui aura fait plus de 500.000 morts.
L’un des aspects les plus douloureux de ce conflit reste le sort des dizaines de milliers de prisonniers et de personnes portées disparues. En 2022, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) estimait à plus de 100.000 le nombre de personnes ayant péri dans les geôles du régime depuis 2011, notamment sous la torture. Beaucoup de familles sont toujours sans nouvelles de leurs proches, ne sachant pas s’ils sont encore en vie.
Les familles des disparus vivent dans l’angoisse depuis des années. Elles ont le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches. C’est une question de dignité humaine et de justice.
Un militant syrien des droits humains
Une quête de vérité semée d’embûches
Malgré la chute du régime Assad, faire la lumière sur le sort des disparus s’avère extrêmement compliqué. De nombreux documents ont été détruits. Une grande partie des responsables et des bourreaux se sont évaporés dans la nature ou ont été tués dans les combats. Sans compter les groupes armés qui refusent de coopérer avec les nouvelles autorités.
Pourtant, établir la vérité est crucial pour permettre aux familles de faire leur deuil et à la société syrienne de se reconstruire sur des bases saines. Les Casques blancs, comme d’autres organisations locales et internationales, s’efforcent de collecter et de recouper un maximum d’indices. Un travail de fourmi indispensable, même s’il faudra sans doute des années avant d’obtenir un tableau complet de l’ampleur des exactions commises.
Chaque découverte macabre, comme celle de cet entrepôt près de Damas, ravive la souffrance des proches de disparus. Mais elle représente aussi un mince espoir d’obtenir enfin des réponses. Les tests ADN prévus par les Casques blancs pourraient permettre d’identifier certaines victimes et d’offrir un peu de réconfort à leurs familles, aussi douloureux soit-il. Un premier pas vers la vérité et, peut-être un jour, vers une forme de justice et de paix pour le peuple syrien.