Une intervention choc s’est déroulée mercredi lors d’un forum de l’ONU organisé en Arabie saoudite. Lina al-Hathloul, une militante saoudienne des droits humains, y a pris la parole à distance pour dénoncer le « silence imposé » aux voix critiques dans le royaume. Son discours, qualifié d' »historique » par l’ONG Human Rights Watch, a résonné comme un cri d’alarme sur la situation des droits fondamentaux en Arabie Saoudite.
Une chaise vide, symbole éloquent de la répression
Les organisateurs ont ouvert le forum par une minute de silence en hommage aux dissidents « arbitrairement détenus ». Une chaise vide, portant le nom de Mme Hathloul, trônait à côté du modérateur. Un geste fort, que la militante a qualifié de « symbole brutal du silence auquel sont confrontés tant d’entre nous ». Car en Arabie Saoudite, même une « critique légère » exprimée en ligne peut devenir un crime, a-t-elle souligné.
Le combat d’une famille pour les droits des femmes
Lina al-Hathloul n’est pas la seule de sa famille à payer le prix de son engagement. Sa sœur Loujain, figure de proue du combat pour les droits des femmes en Arabie saoudite, a passé plus de deux ans derrière les barreaux. Arrêtée en 2018 pour avoir milité contre le système de tutelle masculine et pour le droit de conduire des Saoudiennes, elle est désormais en liberté surveillée, avec interdiction de quitter le royaume pendant 5 ans.
J’avais espéré être parmi vous mais en raison de problèmes de sécurité et des interdictions de voyager illégales imposées à ma famille depuis 2018, cela reste impossible pour l’instant.
Lina al-Hathloul, s’adressant aux participants du forum
Des réformes en trompe-l’œil ?
Ces dernières années, l’Arabie saoudite a entrepris une série de réformes sociales, comme l’autorisation faite aux femmes de conduire ou la réouverture des cinémas. Des mesures censées adoucir l’image du royaume, souvent pointé du doigt pour ses violations des droits humains. Mais selon Human Rights Watch, ces avancées ne sont qu’une façade :
- Des dizaines de personnes restent emprisonnées pour s’être exprimées pacifiquement en ligne
- Beaucoup sont poursuivies en vertu d’une loi antiterroriste adoptée en 2017
- Les voix critiques, même légères, sont systématiquement étouffées
L’intervention de Lina al-Hathloul, un électrochoc nécessaire
Dans ce contexte, le discours de Lina al-Hathloul prend une dimension particulière. Prononcé sur le sol saoudien, lors d’un événement organisé par les Nations unies, il vient rappeler à la face du monde les contradictions criantes du régime saoudien en matière de libertés fondamentales. Un message d’autant plus fort qu’il émane d’une militante dont la famille paie au prix fort son combat pour la dignité.
Cette prise de parole, rare et audacieuse, met en lumière les zones d’ombre d’un royaume qui cherche à polir son image sur la scène internationale. Elle soulève des questions cruciales : les réformes entreprises sont-elles réelles ou purement cosmétiques ? Jusqu’où l’Arabie saoudite est-elle prête à aller pour faire taire les voix dissidentes ?
L’intervention de Lina al-Hathloul est un signal d’alarme. Un appel vibrant à ne pas se laisser abuser par les apparences et à regarder en face la réalité de la situation des droits humains en Arabie saoudite. Car derrière les réformes affichées, le « silence imposé » continue de régner en maître. Et la communauté internationale se doit d’être attentive aux voix courageuses qui tentent de le briser, au péril de leur liberté.