Alors que la Géorgie traverse une crise politique majeure depuis les élections législatives controversées d’octobre dernier, la présidente pro-occidentale Salomé Zourabichvili a vivement critiqué mercredi la « lenteur » de réaction de l’Europe face à cette situation préoccupante. S’exprimant devant les eurodéputés à Strasbourg, elle a appelé l’UE à agir « davantage » et à soutenir l’organisation de nouvelles élections dans le pays.
Un pays divisé depuis les élections
Depuis le scrutin du 26 octobre, remporté par le parti au pouvoir Rêve géorgien mais qualifié de truqué par l’opposition, la Géorgie est plongée dans une profonde crise. Des milliers de manifestants pro-européens descendent chaque soir dans les rues de Tbilissi et d’autres villes, accusant le gouvernement de dérives autoritaires et de vouloir rapprocher le pays de Moscou.
Face à cette situation tendue, la présidente Zourabichvili avait annoncé qu’elle refuserait de quitter ses fonctions comme prévu le 29 décembre, tant que de nouvelles législatives ne seraient pas organisées. Une position ferme saluée par l’opposition mais qui n’a pas empêché la désignation samedi par un collège électoral dominé par le parti au pouvoir d’un nouveau président loyal, Mikheïl Kavelachvili, lors d’un vote boycotté et jugé illégal par la cheffe de l’Etat sortante.
L’Europe appelée à réagir plus fermement
Devant ce blocage, Salomé Zourabichvili a vertement critiqué la timidité de la réponse européenne. « L’Europe a mis du temps à se réveiller et à réagir », a-t-elle regretté, soulignant que « les Géorgiens attendent toujours des mesures fortes de Bruxelles et de Washington ». L’ancienne diplomate française a exhorté l’UE à « lutter contre les mensonges et la désinformation » et à soutenir « l’appel à de nouvelles élections ».
J’espère que nous n’aurons pas à attendre qu’une crise plus profonde survienne pour que l’Europe agisse.
Salomé Zourabichvili, présidente de la Géorgie
La présidente géorgienne a mis en garde contre les lourdes conséquences d’une éventuelle mainmise de la Russie sur son pays, évoquant les enjeux de « sécurité de la mer Noire » et « l’avenir européen de l’Arménie ». « Les Géorgiens ne faibliront pas, mais attendent de l’Europe qu’elle se mobilise pour que nous puissions défendre ensemble l’Europe et ses valeurs », a-t-elle martelé sous les applaudissements des eurodéputés.
Le soutien réaffirmé du Parlement européen
En réponse, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola a assuré que l’assemblée était « solidaire du peuple géorgien et de son cheminement vers l’Europe ». « Notre porte restera toujours ouverte », a-t-elle promis, sans pour autant annoncer de nouvelles actions concrètes.
Cette crise politique intervient alors que la Géorgie, qui aspire à rejoindre l’UE et l’OTAN, est tiraillée depuis des années entre ses aspirations pro-occidentales et l’influence toujours prégnante de la Russie voisine. Le parti Rêve géorgien, fondé par le richissime oligarque Bidzina Ivanishvili réputé proche du Kremlin, est régulièrement accusé par ses détracteurs de saper le processus démocratique et l’état de droit.
Un avenir européen en jeu
En suspendant fin novembre et jusqu’en 2028 toute négociation d’adhésion à l’UE, le gouvernement géorgien a envoyé un signal inquiétant quant à son engagement sur la voie européenne. Une décision qui a choqué une large part de la population, très attachée à ce projet, comme en témoignent les drapeaux européens brandis lors des manifestations antigouvernementales.
Pour beaucoup d’observateurs, l’issue de cette crise sera décisive pour l’orientation géopolitique future de ce pays du Caucase coincé entre la Russie et la Turquie. Si l’opposition parvenait à obtenir de nouvelles élections et une alternance, la Géorgie pourrait relancer son rapprochement avec l’Occident. Mais si le pouvoir en place réussit à s’accrocher malgré la contestation, le spectre d’un glissement vers Moscou pourrait se préciser.
Face à cet enjeu crucial, les appels à un soutien plus actif des Européens vont sans doute se multiplier ces prochaines semaines. Reste à savoir si l’UE, accaparée par de multiples crises et souvent critiquée pour son manque d’unité et de réactivité en politique étrangère, saura y répondre. L’avenir de la Géorgie et la crédibilité de la politique de voisinage de l’Union en dépendent largement.