C’est une histoire qui a ému tout un pays. Mary Jane Veloso, une Philippine de 39 ans condamnée à mort en Indonésie pour trafic de drogue, est finalement rentrée chez elle après des années de lutte acharnée. Un retour bouleversant qui soulève de nombreuses questions sur la justice et la peine capitale.
Dans l’enfer du couloir de la mort indonésien
L’histoire de Mary Jane Veloso commence en 2010 lorsqu’elle est arrêtée à l’aéroport de Jakarta avec 2,6 kilos d’héroïne dans sa valise. Malgré ses dénégations, la justice indonésienne la condamne à la peine de mort. S’ensuit alors un long calvaire pour cette mère de deux enfants, enfermée dans le sinistre couloir de la mort de la prison de Wirogunan.
Pendant des années, Mary Jane Veloso et ses proches vont se battre sans relâche pour prouver son innocence. Ils affirment qu’elle a été piégée par un réseau de trafiquants qui aurait profité de sa naïveté et de sa situation précaire. Une thèse qui finira par ébranler l’opinion publique philippine.
Une mobilisation sans précédent
Le sort tragique de Mary Jane Veloso va en effet provoquer une vague d’indignation aux Philippines. De nombreuses personnalités, associations et simples citoyens se mobilisent pour réclamer sa grâce. Des pétitions géantes circulent, des manifestations sont organisées devant l’ambassade indonésienne à Manille.
Le combat de Mary Jane Veloso devient le symbole de la lutte contre la peine de mort, une sentence cruelle et irréversible. Beaucoup dénoncent aussi les failles du système judiciaire indonésien et les conditions de détention inhumaines dans le couloir de la mort.
Je n’arrive pas à imaginer ce qu’elle a pu endurer pendant toutes ces années. Vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, c’est une torture mentale indescriptible.
– Une proche de Mary Jane Veloso
Un dénouement inespéré
Alors que tout semblait perdu, un rebondissement de dernière minute va finalement sauver Mary Jane Veloso de l’exécution. En avril 2015, à quelques heures de la sentence fatidique, le président indonésien Joko Widodo annonce un sursis.
Ce revirement s’explique par de nouveaux éléments apportés par la justice philippine. Une femme soupçonnée d’avoir attiré Mary Jane Veloso dans un piège vient en effet d’être arrêtée. Son témoignage pourrait prouver que la condamnée n’était qu’une mule manipulée par un réseau criminel.
Après des années de négociations diplomatiques intenses, l’Indonésie finit par accepter de renvoyer Mary Jane Veloso dans son pays d’origine. Un soulagement immense pour ses proches qui pensaient ne plus jamais la revoir vivante.
Un retour sous haute surveillance
Ce mercredi 18 décembre 2024, c’est donc une Mary Jane Veloso méconnaissable qui a foulé le sol de l’aéroport de Manille. Amaigrie et les traits tirés, elle peine à contenir son émotion lorsqu’elle prend ses deux fils dans ses bras.
Mais son calvaire n’est pas terminé pour autant. Condamnée par contumace aux Philippines pour les mêmes faits, Mary Jane Veloso a immédiatement été conduite dans une prison de haute sécurité. Seul le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a désormais le pouvoir de la gracier.
J’ai passé 15 ans en prison en Indonésie pour un crime que je n’ai pas commis. Mon seul espoir est que notre président fasse preuve de clémence et me permette de retrouver ma famille.
– Mary Jane Veloso
Une histoire symptomatique
Au-delà du destin individuel tragique de Mary Jane Veloso, cette affaire met en lumière les dysfonctionnements de la lutte antidrogue en Asie du Sud-Est. Une répression souvent aveugle qui broie des milliers de petites mains, sans s’attaquer aux véritables têtes de réseaux.
Elle pose aussi la question de la peine de mort, encore en vigueur dans de nombreux pays de la région. Une pratique jugée barbare et inefficace par les défenseurs des droits humains, qui n’hésitent plus à élever la voix.
Aucune société civilisée ne devrait recourir à la peine capitale. C’est une négation de la dignité humaine qui n’a aucun effet dissuasif prouvé sur la criminalité.
– Un représentant d’Amnesty International
L’histoire bouleversante de Mary Jane Veloso est donc loin d’être terminée. Son sort est plus que jamais entre les mains de la justice philippine, qui aura la lourde tâche de démêler le vrai du faux dans cette affaire hors norme. En attendant, cette mère courage est devenue malgré elle un symbole de la lutte contre la peine de mort et ses dérives.