À l’approche des élections législatives et locales prévues le 29 décembre au Tchad, la capitale N’Djamena vit au rythme d’une intense campagne électorale. Mais derrière les spectacles festifs du parti au pouvoir et le porte-à-porte de l’opposition, un dilemme divise les Tchadiens : voter ou boycotter ce scrutin ?
L’opposition appelle au « boycott actif »
Dans les marchés animés de N’Djamena, difficile de passer à côté des militantes du Groupe de concertation des acteurs politiques (Gcap). Vêtues de t-shirts et casquettes aux couleurs de cette coalition de partis d’opposition, elles interpellent les passants en distribuant des tracts barrés d’une croix rouge :
Boycott ! Ne participez pas à cette mascarade. Ne soutenez pas un coup d’État électoral qui va vous flouer.
Pour les porte-paroles du Gcap comme Florence Loardomdemadje et Max Kemkoye, ces législatives sont « illégitimes » et « perdues d’avance », à l’image du référendum constitutionnel de 2023 et de la présidentielle de mai dernier, remportée dès le 1er tour par Mahamat Idriss Itno. Le jeune général avait pris le pouvoir par les armes en 2021, succédant à son père Idriss Déby Itno.
Les Transformateurs, autre parti d’opposition, dénoncent eux aussi « un nouveau vol en règle » supervisé par une commission électorale à la solde du régime. Leur mot d’ordre : un « boycott actif » le jour du vote, avec des observateurs déployés pour faire remonter les preuves d’irrégularités et saisir la justice africaine pour faire annuler le scrutin.
Le pouvoir veut mobiliser sa base
Face aux appels au boycott, le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti du président Itno, compte sur « une forte mobilisation » le 29 décembre. Considéré comme « imbattable » grâce à son maillage du territoire et ses moyens colossaux, le MPS multiplie les meetings et les distributions de cadeaux à son effigie.
Confiant, le député MPS sortant Abba Djida Mamar estime que l’opposition « n’a aucune chance » face à la « base très solide » et à la « capacité de frappe » de sa formation. Il promet aussi à ses électeurs de résoudre les problèmes d’infrastructures et rêve même d’une marina « comme à Dubaï ».
Campagne électorale à N'Djamena pour les législatives du 29 décembre. Entre appels au vote du parti au pouvoir et au boycott de l'opposition, les Tchadiens divisés. #Tchad 🇹🇩 pic.twitter.com/oEmjvUjFkW
— Sébastien Németh (@S_Nemeth) June 13, 2022
Un scrutin sur fond de défis majeurs
Au-delà de la joute électorale, ce sont les immenses défis du Tchad qui préoccupent de nombreux citoyens. Routes délabrées, coupures d’électricité et d’eau potable, cherté de la vie… Les conditions de vie restent très difficiles dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, en proie à des rébellions et des conflits intercommunautaires récurrents.
Des défis colossaux qui pourraient bien peser dans les urnes le 29 décembre, si les Tchadiens choisissent massivement le vote plutôt que le boycott. Un choix crucial pour l’avenir de ce pays d’Afrique centrale, suspendu à l’issue de ce scrutin à hauts risques.