C’est un baptême du feu dont François Bayrou se serait bien passé. Pour sa première séance de questions au gouvernement en tant que Premier ministre, le président du MoDem a dû faire face à une Assemblée nationale survoltée et à une opposition remontée, bien décidée à ne lui faire aucun cadeau. Retour sur une après-midi agitée dans l’hémicycle du Palais Bourbon.
Une prestation jugée hésitante et maladroite
Seul face aux députés en l’absence d’un gouvernement toujours en cours de formation, François Bayrou a tenté tant bien que mal de répondre aux interrogations des parlementaires pendant plus d’une heure. Mais sa prestation a été jugée hésitante, hachée et parfois maladroite par de nombreux élus de l’opposition. Le Premier ministre s’est notamment emmêlé les pinceaux en justifiant son absence lors de la crise à Mayotte.
Il est d’usage que les deux personnes à la tête de l’État ne quittent en même temps le territoire national
François Bayrou
Un argument qui n’a pas convaincu, puisque Mayotte est un département français. Une erreur que n’ont pas manqué de relever plusieurs députés, à l’image de Benjamin Lucas, élu écologiste des Yvelines et membre de la coalition d’opposition Nouveau Front populaire (NFP).
On a eu l’impression qu’il ne savait pas vraiment où il était. Il nous a raconté sa vie, il a fait des gaffes. C’est quand même très limite.
Benjamin Lucas, député NFP des Yvelines
Une opposition qui monte au créneau
Au-delà de l’affaire de Mayotte, c’est l’ensemble de la prestation du Premier ministre qui a été épinglée par les bancs de la gauche. Certains élus lui reprochent son manque de préparation et de maîtrise des dossiers, ainsi que son ton professoral qui passe mal dans l’hémicycle.
Le chef du NFP Jean-Luc Mélenchon a ainsi dénoncé une « improvisation » gouvernementale et un Premier ministre « dépassé », tandis que les insoumis Mathilde Panot et Ugo Bernalicis ont ironisé sur les erreurs et approximations de François Bayrou. Les socialistes n’ont pas été en reste, le premier secrétaire du PS Olivier Faure accusant le locataire de Matignon d’être « incapable de répondre aux urgences du pays ».
La majorité présidentielle vole au secours de Bayrou
Face à ce tir de barrage, François Bayrou a pu compter sur le soutien sans faille de la majorité présidentielle. Le patron des députés Renaissance Aurore Bergé a salué « un Premier ministre combatif qui a su faire face avec calme et détermination ». Son collègue Karl Olive a invité l’opposition à « laisser le temps au gouvernement de travailler » plutôt que de « polémiquer ».
Le ministre chargé des Relations avec le Parlement Franck Riester a lui aussi défendu la méthode Bayrou, assurant que « des consultations sont en cours pour bâtir une majorité de projets à même de répondre aux défis du pays ». Une façon de temporiser face aux attaques tout en rappelant l’objectif du nouveau Premier ministre : élargir la base de soutiens de l’exécutif pour éviter un blocage à l’Assemblée.
Les prochains jours décisifs
Car au-delà des débats enflammés dans l’hémicycle, c’est bien dans les coulisses du Palais Bourbon que va se jouer l’avenir du gouvernement Bayrou dans les prochains jours. L’ancien ministre de l’Éducation nationale veut prendre le temps de discuter avec toutes les forces politiques, de la gauche à la droite en passant par les centristes, pour tenter de constituer une coalition hétéroclite qui lui éviterait un vote de censure.
En parallèle, François Bayrou doit aussi terminer de former son gouvernement d’ouverture et de mission promis par Emmanuel Macron. Plusieurs noms circulent dont ceux de personnalités de la société civile, à l’image du patron de la CFDT Laurent Berger ou de l’urgentiste Patrick Pelloux. L’objectif est d’envoyer un signal positif notamment à la gauche, tout en rassurant sur la capacité de l’exécutif à agir malgré un parlement morcelé.
Deux chantiers de taille pour le Premier ministre, d’ores et déjà chahuté dans l’hémicycle et confronté à une crise majeure à Mayotte. De quoi augurer de débats particulièrement électriques à l’Assemblée dans les semaines à venir, François Bayrou jouant à la fois sa survie à Matignon et la capacité d’Emmanuel Macron à poursuivre son quinquennat. Les premiers pas du nouveau locataire de Matignon donnent en tout cas le ton d’une rentrée parlementaire des plus houleuses.