Dans les décombres de sa maison détruite à Jérusalem-Est, Fakhri Abou, militant palestinien de 62 ans, confesse son dépit. Sa demeure à Al-Boustan, secteur de Silwan au sud de la Vieille Ville, a été démolie pour la deuxième fois cette année par les autorités israéliennes qui y voient une construction illégale. Mais malgré l’épuisement, lui et ses voisins jurent de rester, « même dans une tente ou sous un arbre ».
Depuis le 7 octobre 2023, les démolitions se multiplient dans cette partie de la ville, occupée et annexée par Israël, suite à une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en territoire israélien. Les tensions, déjà permanentes, n’ont fait que s’exacerber. Car Jérusalem-Est, à majorité palestinienne, constitue un enjeu central du conflit israélo-palestinien.
Un projet de judaïsation dénoncé
Les maisons rasées à Al-Boustan font partie des quelque 115 logements que la municipalité de Jérusalem a décidé de démolir. Officiellement, il s’agit de lutter contre les constructions illégales et de redonner au quartier sa vocation d’espace vert. Mais pour l’ONG israélienne Ir Amim, cette pratique vise en réalité à expulser les Palestiniens de Jérusalem-Est tout en permettant la saisie de leurs terres au profit d’intérêts israéliens, dans le cadre d’une politique de judaïsation dénoncée par de nombreux pays.
Des vies brisées, des familles à la rue
Pour Fakhri Abou Diab, né et ayant grandi dans sa maison d’origine construite dans les années 1950, c’est tout un pan de vie qui s’écroule. Marié et père de famille, il se retrouve désormais dans un préfabriqué, lui aussi menacé de démolition. Son voisin Omar al-Rouwaïdi, 42 ans et au chômage, se chauffe avec son fils au milieu des ruines de leur foyer. Au total, environ 30 personnes dont 12 enfants sont maintenant sans abri dans le quartier.
Nous nous battons devant les tribunaux depuis 2004 et avons dépensé des dizaines de milliers de shekels en vain.
– Omar al-Rouwaïdi, habitant d’Al-Boustan
Un acharnement qui s’intensifie
Selon Ir Amim, les démolitions à Jérusalem-Est ont atteint des niveaux records depuis l’attaque d’octobre 2023 : 154 maisons rasées entre janvier et novembre 2024. Même les lieux de vie et de partage n’y échappent pas. Le 13 novembre, les bulldozers ont détruit le centre communautaire de l’association Al-Boustan qui proposait des activités culturelles et un soutien scolaire à 1500 habitants, suscitant l’indignation de la France qui avait soutenu la structure.
J’ai eu l’impression d’avoir perdu mon refuge. Après avoir démoli le centre, ils pouvaient tout aussi bien démolir ma maison.
– Kinda Baraka, 15 ans, utilisatrice du centre Al-Boustan
Une lutte pour l’identité et la survie
Face à cet acharnement, les Palestiniens continuent pourtant de clamer leur détermination à rester sur leur terre, malgré la précarité et les pressions. Car au-delà des murs et des toits, c’est toute leur identité, leur mémoire et leur avenir qui tentent d’être effacés. En refusant les relocalisations imposées loin du cœur historique de la ville, en reconstruisant sans cesse sur les ruines de leurs maisons, ils mènent une lutte désespérée pour leur survie en tant que peuple et pour leur droit à exister à Jérusalem.
Cette résistance acharnée, malgré son apparente fragilité, constitue peut-être le dernier rempart contre une entreprise de judaïsation qui se renforce chaque jour davantage. A Al-Boustan comme dans d’autres quartiers de Jérusalem-Est, chaque pierre qui tient encore debout, chaque habitant qui persiste à rester prennent alors une dimension symbolique. Ils incarnent un combat pour la dignité, la mémoire et le droit des Palestiniens à façonner aussi l’avenir de cette ville sainte, au cœur de tant de conflits.