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Emirats Arabes Unis méfiants envers nouveaux dirigeants syriens

Les Emirats se méfient des nouveaux dirigeants syriens issus des groupes rebelles islamistes et craignent une influence excessive de la Turquie sur la Syrie. Fidèles à leur politique anti-islamiste, ils s'inquiètent de...

Un vent d’inquiétude souffle sur les Emirats Arabes Unis face aux bouleversements qui secouent actuellement la Syrie. Après une offensive éclair menée fin novembre par une coalition de rebelles à dominante islamiste, le régime de Bachar al-Assad a été renversé le 8 décembre dernier. Ces nouveaux maîtres de Damas, emmenés par le puissant groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, suscitent la méfiance des dirigeants émiratis malgré leurs promesses en faveur des minorités. Quelles sont les raisons de ces craintes ? Décryptage.

Une méfiance ancrée envers l’islam politique

Pour bien comprendre la position des Emirats, il faut d’abord rappeler leur politique de « tolérance zéro » envers l’islam politique sous toutes ses formes. Comme l’explique Kristin Diwan de l’Institut des Etats arabes du Golfe à Washington, Abou Dhabi « considère les groupes islamistes comme des concurrents qui menacent leurs ambitions en tant que centre commercial multiculturel ouvert ». L’arrivée au pouvoir en Syrie de forces sunnites rappelant les soulèvements arabes, et qui plus est alliées à la Turquie et au Qatar, renforce donc leurs appréhensions.

Perte d’influence au profit d’Ankara et Doha

De plus, comme le souligne Andreas Krieg du King’s College de Londres, cette offensive rebelle victorieuse a modifié la dynamique régionale, privant les Emirats de leur statut d' »interlocuteur central sur les questions syriennes ». Leur rôle clé dans le retour de la Syrie dans le giron arabe en 2023 semble s’effacer au profit de la Turquie et du Qatar qui parrainent la nouvelle équipe dirigeante. Une évolution préoccupante pour Abou Dhabi qui redoute de voir décliner son influence.

Des dirigeants issus de mouvements « terroristes »

Mais au-delà de ces enjeux géopolitiques, ce sont surtout les affiliations des nouveaux hommes forts de Damas qui alarment les Emirats. Comme l’a rappelé Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président émirati, lors d’une conférence le week-end dernier :

La nature des nouvelles forces au pouvoir, leur affiliation aux Frères musulmans et à Al-Qaïda, sont des indicateurs assez inquiétants.

Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président des Emirats Arabes Unis

Le fait que HTS, malgré ses dénégations, reste classé « terroriste » par plusieurs capitales occidentales ne fait que renforcer la méfiance. Les Emirats voient dans la mouvance islamiste une menace existentielle pour leur modèle de gouvernance, comme l’analyse Sanam Vakil de Chatham House.

Une menace pour le modèle de gouvernance émirati

Cette hostilité viscérale s’est déjà manifestée par le passé. En 2014, les Emirats ont inscrit sur leur liste noire pas moins de 83 organisations, dont les Frères musulmans. Plus récemment en juillet 2024, 43 Emiratis et Egyptiens accusés d’appartenir à ce mouvement ont été condamnés à perpétuité pour tentative d’attentat.

Pour Andreas Krieg, même si HTS n’apparait pas nommément sur cette liste contrairement au Front al-Nosra dont il est issu, les Emiratis le considèrent de facto comme une émanation d’Al-Qaïda propageant « salafisme et jihadisme ». Une vision aux antipodes des discours rassurants des nouveaux dirigeants syriens.

Des intérêts qui priment malgré tout

Face à ce dilemme, quelle sera la réponse des Emirats ? Si les appels à la vigilance se multiplient, Abou Dhabi se gardera sans doute d’une confrontation directe. Comme le montrent ses relations avec les Talibans en Afghanistan, dictées par le pragmatisme économique, les intérêts priment souvent sur l’idéologie.

Mais nul doute que les Emirats observeront comme le lait sur le feu l’évolution de la situation en Syrie. Et qu’ils n’hésiteront pas, le cas échéant, à activement contrer ce qu’ils perçoivent comme une dérive islamiste menaçante. Une nouvelle donne syrienne, source de tensions régionales en perspective.

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