Un geste fort et courageux qui risque de lui coûter cher. La chanteuse iranienne Parastoo Ahmadi, âgée de 27 ans, a défié la République islamique en publiant une vidéo d’un concert où elle apparaît tête et épaules nues, violant la loi sur la « promotion de la culture de la chasteté et du voile ». Un acte sans précédent depuis la révolution de 1979.
Arrêtée puis libérée, Parastoo Ahmadi encourt de lourdes sanctions
Mercredi dernier, la jeune artiste a mis en ligne sur ses réseaux un concert d’une trentaine de minutes où elle chante en robe de soirée noire, épaules dénudées et cheveux au vent. Un affront direct à la loi islamique qui impose aux femmes de se couvrir la tête et le cou en public et interdit aux chanteuses de se produire seules.
La réaction du régime ne s’est pas fait attendre. Moins de 24h après la publication de la vidéo, la justice a annoncé l’ouverture d’un procès contre Parastoo Ahmadi et ses musiciens pour avoir enfreint « les règles légales et religieuses ». La chanteuse et deux membres de son groupe ont été brièvement interpellés puis relâchés.
Mais l’affaire est loin d’être close. D’après des ONG comme Amnesty International, les poursuites pour violation du port du voile peuvent aller jusqu’à de lourdes amendes et même la peine capitale. Le compte Instagram de l’artiste a également été désactivé par les autorités.
Une vague de soutien sur les réseaux sociaux
Heureusement pour Parastoo Ahmadi, son geste courageux a suscité une immense vague de sympathie en ligne. Le hashtag #ParastooAhmadi a été vu des milliers de fois, de nombreux internautes saluant « un acte de bravoure incroyable » et « un moment historique ». Ce soutien populaire a peut-être contribué à la libération rapide de la chanteuse et de ses musiciens.
J’ai voulu chanter pour le pays que j’aime si passionnément, en dépit des obstacles et des menaces. La musique ne devrait pas avoir de genre ni de voile.
Parastoo Ahmadi sur Instagram avant que son compte ne soit fermé
Vers une révolution culturelle en Iran ?
Le geste de la jeune femme s’inscrit dans un contexte de contestation grandissante contre les lois rigoristes de la République islamique, spécialement chez les artistes et intellectuels. Ces derniers mois, plusieurs actrices et chanteuses iraniennes ont osé apparaître tête nue sur les réseaux, bravant la censure.
- En avril, l’actrice Marziyeh Rezaei a publié des photos d’elle sans voile, dénonçant « 40 ans d’oppression des femmes »
- En mai, la chanteuse Tara Masoudi a mis en ligne une vidéo où elle interprète une chanson pop américaine non voilée
- Début décembre, la musicienne Sarina Sefti a joué du violon dans la rue sans hijab pour soutenir les manifestations
Mais le pouvoir judiciaire veille et n’hésite pas à sévir. Plusieurs de ces artistes ont été convoquées par la justice, forcées de présenter des excuses publiques ou de supprimer leur contenu. Le régime craint qu’une révolution culturelle, portée par la jeunesse et les réseaux sociaux, ne vienne ébranler les fondements de la République islamique.
Le combat des femmes iraniennes pour leurs droits
Au-delà du milieu artistique, le combat contre l’obligation du port du voile en Iran mobilise de plus en plus de femmes ordinaires. Depuis 2017, le mouvement des « Filles de la rue Enghelab » voit des iraniennes retirer leur hijab en public en signe de protestation, au risque d’être arrêtées.
Début 2023, la mort de Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans décédée après avoir été interpellée par la police des mœurs, avait provoqué une vague d’indignation dans le pays. Des milliers d’iraniennes étaient descendues dans les rues au cri de « Femme, Vie, Liberté », réclamant la fin de la répression.
Malgré la censure et la violence de la réponse du régime, qui a fait des dizaines de morts, le mouvement ne faiblit pas. Le geste de défi de Parastoo Ahmadi montre que la soif de liberté des iraniennes reste intacte. Leur lutte courageuse pour l’égalité des droits devient chaque jour plus difficile à faire taire.
