La nomination de François Bayrou au poste de Premier ministre n’aura pas fait l’unanimité bien longtemps. Nommé vendredi dernier par le président Emmanuel Macron pour former un nouveau gouvernement, l’ancien député et actuel maire de Pau se retrouve déjà sous le feu nourri des critiques. En cause : sa décision controversée de faire l’aller-retour dans sa ville au lieu de se rendre de toute urgence à Mayotte, meurtrie par un cyclone d’une rare violence. Un « symbole dramatique » qui passe très mal auprès de la classe politique.
Bayrou choisit Pau plutôt que Mayotte
Selon nos informations, François Bayrou a pris un avion de la République tôt mardi matin direction Pau, ville du sud-ouest dont il est le maire depuis 10 ans. Objectif : défendre bec et ongles son poste d’édile lors d’un conseil municipal. Pendant ce temps, une réunion de crise sur la situation à Mayotte, qu’il n’a suivie qu’à distance, se tenait à Paris. Un choix qui en dit long sur les priorités du nouveau chef du gouvernement, vivement dénoncé par les députés qui ne manqueront pas de l’interroger lors de sa prochaine audition à l’Assemblée nationale.
D’après plusieurs sources concordantes, le cyclone qui a ravagé l’île française de l’océan indien aurait fait « plusieurs centaines, voire quelques milliers » de victimes. Une tragédie humanitaire qui appelait la présence et le soutien immédiat du plus haut représentant du gouvernement. Comme l’a souligné la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet :
« J’aurais préféré que le Premier ministre, au lieu de prendre un avion pour Pau, prenne l’avion pour Mamoudzou »
Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale
Le retour du cumul des mandats en question
Mais François Bayrou ne s’est pas contenté de snober Mayotte. Devant le conseil municipal de Pau lundi soir, il a carrément qualifié « d’erreur » l’interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires, une règle en vigueur depuis 2014. Une position qui a suscité une vive polémique, y compris dans son propre camp politique. Ses opposants y voient une faute politique majeure :
- Pour le patron du PCF Fabien Roussel, évoquer le cumul des mandats dans ce contexte est tout simplement « indécent ».
- Olivier Faure, premier secrétaire du PS, estime que Bayrou « s’égare » avec cette « sortie ».
- Manuel Bompard de la France Insoumise parle lui « d’une grave erreur doublée d’une faute politique importante ».
Imbroglio au sommet de l’État
Cette polémique tombe au plus mal alors que François Bayrou est sous pression pour former un gouvernement dans les plus brefs délais. L’Assemblée ayant été dissoute en juin par Emmanuel Macron après la déroute de son camp aux Européennes, le pays n’a plus de budget pour 2025 depuis la censure. Les consultations des groupes politiques s’enchaînent donc dans l’urgence pour trouver une majorité, dans un hémicycle morcelé entre gauche, macronistes, droite et extrême droite.
Selon son entourage, le Premier ministre espère pouvoir annoncer la composition de son gouvernement « cette semaine ». Une échéance qui semble toutefois un peu optimiste, François Bayrou conditionnant cela à la présence du chef de l’État, au planning pour le moins chargé. Une remarque qui aurait « peu goûté » l’Élysée, qui l’incite donc à faire des propositions dès maintenant.
« Quand il sera prêt, nous le sommes »
Un proche d’Emmanuel Macron
Le nouveau locataire de Matignon, qui doit prononcer sa déclaration de politique générale le 14 janvier, joue donc gros dans les jours à venir. S’il ne parvient pas rapidement à constituer une équipe gouvernementale solide et à apaiser les tensions, son avenir à la tête du gouvernement pourrait être fortement compromis. Une bien mauvaise entrée en matière pour celui qui rêvait de revenir sur le devant de la scène politique.