Le président iranien Massoud Pezeshkian a pris une décision lourde de sens. Selon des sources proches du pouvoir, il a décidé, en concertation avec le Conseil national de sécurité, de suspendre la très controversée loi sur « la promotion de la culture de la chasteté et du hijab ». Cette loi, qui avait été adoptée par le Parlement et devait entrer en vigueur prochainement, prévoyait des sanctions sévères pour les femmes ne respectant pas strictement le port du voile islamique.
Une loi jugée « ambiguë » par le président
D’après nos informations, le président Pezeshkian jugeait cette loi « ambiguë » et craignait qu’elle ne provoque de vives tensions au sein de la société iranienne. Concrètement, le texte prévoyait des amendes pouvant aller jusqu’à 20 mois de salaire moyen pour les récidivistes refusant de porter correctement leur voile en public ou sur les réseaux sociaux. Les établissements accueillant des femmes en infraction, comme les restaurants ou les cinémas, risquaient également la fermeture.
Un dispositif de surveillance high-tech
Pour faire appliquer ces mesures, la loi prévoyait un impressionnant dispositif de surveillance, incluant caméras et intelligence artificielle capable de détecter les photos de femmes non ou mal voilées sur les réseaux sociaux. Un arsenal technologique directement inspiré de la Chine, et qui en dit long sur la volonté de contrôle du régime.
Le spectre des manifestations de 2022
Mais le président, issu d’une ligne plus modérée que les ultraconservateurs au pouvoir, veut à tout prix éviter un embrasement social comme celui qu’avait connu le pays en 2022. Cette année-là, la mort de la jeune Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour port du voile incorrect, avait déclenché un vaste mouvement de protestation contre le régime.
En Iran, la question du voile est hautement politique et cristallise les tensions entre conservateurs et réformateurs.
Azadeh Kian, sociologue spécialiste de l’Iran
Les artistes et journalistes se mobilisent
Face à la menace de cette nouvelle loi liberticide, des centaines d’artistes, de journalistes mais aussi de simples citoyens s’étaient mobilisés ces dernières semaines pour tenter de faire plier le gouvernement. Une pression qui semble avoir porté ses fruits, même si certains dénoncent une simple manœuvre pour calmer temporairement le jeu.
Vers un nouveau projet de loi
Le vice-président Mohammad Mokhber a annoncé qu’un nouveau projet de loi modifié serait présenté prochainement par le gouvernement. Mais le processus pourrait prendre plusieurs mois, laissant planer le doute sur les véritables intentions du régime. Beaucoup craignent que les ultraconservateurs ne profitent de ce délai pour durcir encore le texte en coulisses.
Le voile, symbole de l’oppression des femmes iraniennes
Car en Iran, la question du voile est un enjeu central et hautement politique. Imposé à toutes les femmes après la Révolution islamique de 1979, y compris aux non-musulmanes et aux étrangères, il est devenu le symbole de l’oppression subie par les Iraniennes. Malgré la répression, beaucoup n’hésitent plus à le défier ouvertement, retirant ou abaissant leur foulard dans les lieux publics.
Nous sommes une génération différente. Nous n’avons pas peur et nous continuerons le combat de celles qui sont mortes pour notre liberté.
Darya, étudiante de 22 ans à Téhéran
Le régime fragilisé mais toujours répressif
Affaibli par les sanctions internationales et confronté à une grave crise économique et sociale, le régime iranien sait qu’il joue sa survie. Mais il n’entend pas pour autant lâcher du lest sur ses principes fondamentaux, au premier rang desquels le strict respect des règles islamiques dans l’espace public.
La suspension de cette loi sur le voile n’est donc probablement qu’un répit de courte durée pour la société iranienne. Le combat des femmes pour leur émancipation est encore long et semé d’embûches dans un pays où la théocratie continue de dicter sa loi. Mais leur détermination ne faiblit pas, portée par l’espoir d’un Iran enfin libre et démocratique.
