C’est l’épilogue d’un procès hors norme qui restera dans les annales judiciaires. Ce mardi, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict dans l’affaire SFAM-Indexia, condamnant lourdement Sadri Fegaier, l’ex-PDG du groupe de courtage en assurances. Cet autodidacte, propulsé plus jeune milliardaire de France il y a quelques années à peine, écope de deux ans de prison dont 16 mois ferme et d’une amende de 300 000 euros pour pratiques commerciales trompeuses.
Un système de prélèvements bancaires abusifs à grande échelle
Au cœur des débats, un vaste système de prélèvements bancaires abusifs mis en place par SFAM-Indexia pendant près d’une décennie. Près de 2000 parties civiles ont porté plainte, dénonçant des contrats d’assurance pour objets multimédias souscrits à leur insu et des procédures de résiliation labyrinthiques. Des ponctions sauvages sur les comptes bancaires, parfois multiples en un mois, qui ont plongé de nombreuses victimes dans l’angoisse et le surendettement.
Lors des audiences fin septembre, leurs témoignages glaçants ont déferlé à la barre, dépeignant un véritable parcours du combattant pour mettre fin à ces prélèvements intempestifs. Des appels incessants aux services clients, des courriers recommandés restés lettre morte… Rien n’y faisait pour stopper la machine infernale SFAM-Indexia.
La détresse des victimes face au mur du silence
Face à ce mur du silence, l’exaspération des victimes a pris un tour plus violent ces derniers mois. En mars 2023, un client excédé avait été filmé en train de saccager un magasin Hubside du groupe à Romans-sur-Isère. Quelques mois plus tard, un autre s’était présenté devant le siège, un bidon d’essence à la main, menaçant de s’immoler s’il n’était pas remboursé. Des actes désespérés, symptômes d’un système ayant broyé des vies.
Sadri Fegaier n’avait rien du chef d’entreprise stratège et au-dessus de la mêlée. Il a été alerté personnellement, de façon très sérieuse, par différents canaux, dès 2016. Il n’a pris aucune mesure corrective.
– Motivations du tribunal
Le rôle central de Sadri Fegaier dans la tourmente
Pour les juges, la responsabilité de Sadri Fegaier ne fait aucun doute. Loin de l’image du dirigeant visionnaire qu’il se plaisait à renvoyer, le trentenaire apparaît comme omniscient des dysfonctionnements, alerté à de multiples reprises dès 2016 sans jamais infléchir la trajectoire. Le tribunal pointe « un fonctionnement pathologique » et l’absence de toute remise en cause d’un système délictueux ayant lésé les consommateurs.
Sadri Fegaier n’a jamais voulu admettre quoi que ce soit. Aucune remise en question, aucune culpabilité n’a émané de ses interventions, au cours desquelles il a continué de vanter son modèle économique.
– Extrait du jugement
Devant les juges, l’attitude de Sadri Fegaier a d’ailleurs de quoi interloquer. Minimisant l’ampleur de la fraude, qualifiant les dysfonctionnements de simples « rustines », il s’est arc-bouté sur son modèle économique vanté haut et fort. Une défense provocatrice, dénuée de toute empathie pour les victimes et qui aura certainement pesé lourd au moment du verdict.
Et maintenant ? Les suites de l’affaire SFAM-Indexia
Au-delà de la condamnation de son ex-PDG, le feuilleton SFAM-Indexia est loin d’être terminé. Les victimes attendent désormais des réparations à la hauteur du préjudice subi, alors que six sociétés du groupe ont également été sanctionnées. La justice a prononcé la confiscation des biens immobiliers de Sadri Fegaier, ouvrant la voie à de futures indemnisations.
Cette affaire sans précédent devrait aussi servir de piqûre de rappel pour un secteur de l’assurance encore insuffisamment régulé. Des pratiques commerciales agressives aux modes de souscription opaques en passant par les entraves à la résiliation, la protection des consommateurs doit plus que jamais être au cœur des priorités des pouvoirs publics et des acteurs du marché. La chute de SFAM-Indexia et de son sulfureux dirigeant en est le douloureux rappel.