C’est un procès d’une ampleur sans précédent qui s’annonce entre la République Démocratique du Congo et le géant américain Apple. L’État congolais accuse la firme de Cupertino d’utiliser dans ses produits high-tech des minerais extraits illégalement de son sous-sol, alimentant ainsi les conflits qui déchirent l’est du pays depuis des décennies. Apple clame son innocence, mais la RDC est déterminée à faire éclater la vérité et obtenir réparation pour les souffrances endurées par sa population. Les enjeux sont colossaux.
La RDC passe à l’offensive sur le front judiciaire
Fin mai, coup de tonnerre sur la scène internationale. La RDC annonce avoir déposé plainte contre des filiales d’Apple en France et en Belgique. Les accusations sont graves : le pays affirme détenir des preuves qu’Apple s’approvisionne, via des intermédiaires, en minerais issus de l’exploitation illégale des ressources de l’est de la RDC, en proie à la violence de groupes armés. Ces minerais « de sang », obtenus au mépris des droits humains et de l’environnement, seraient « blanchis » au Rwanda voisin avant d’intégrer les chaînes d’approvisionnement d’Apple.
Mais les griefs de la RDC ne s’arrêtent pas là. Elle attaque aussi les « pratiques commerciales trompeuses » de la marque, qui certifierait à tort à ses clients que ses produits sont exempts de toute ressource acquise dans des conditions problématiques. Apple a beau clamer sa bonne foi et exhiber des audits de sa supply chain, le doute est permis au vu du passif du secteur tech en la matière.
L’est du Congo, une poudrière sur un trésor
La région orientale de la RDC regorge de ressources indispensables à nos smartphones et ordinateurs : étain, tungstène, tantale, or… Une manne qui attise toutes les convoitises, des groupes rebelles locaux aux multinationales étrangères. Les populations civiles sont prises en étau, victimes de violences indicibles et d’un désastre écologique permanent.
Pour les avocats de la RDC, il est temps que les firmes profitant de ce chaos soient mises face à leurs responsabilités :
L’ampleur et la durée de ces activités ont infligé des souffrances insondables au sein de la population. Ces pillages ont alimenté les conflits en finançant des milices, contribué au travail forcé des enfants et dévasté l’environnement.
Apple dans le viseur, un précédent mondial ?
Si le dossier est solide, Apple pourrait être contraint de revoir en profondeur ses pratiques et dédommager la RDC, ouvrant la voie à une vague de procédures similaires. De quoi inciter, enfin, l’industrie à sécuriser ses filières. D’autres géants tech retiennent leur souffle.
Mais la partie est loin d’être gagnée pour la RDC. Apple dispose d’une armée d’avocats et niera farouchement toute implication directe. Le flou entourant les réseaux de contrebande en Afrique lui fournira des angles d’attaque. La RDC devra prouver qu’Apple avait connaissance et contrôle sur la situation. Un défi probatoire de taille.
Faire la lumière, pour tourner la page
Au-delà des enjeux financiers, c’est un combat pour la vérité et la dignité qu’entend mener la RDC via ce procès. Faire reconnaître les immenses dommages causés à sa terre et à son peuple par l’avidité de puissances étrangères, piller en toute impunité. Obtenir justice et réparation, enfin.
Si le dossier aboutit, il pourrait créer un électrochoc salutaire et amener à repenser en profondeur le modèle de développement de régions riches en ressources mais appauvries par les conflits. Une étape cruciale vers une tech plus éthique et un avenir meilleur pour les populations. Apple et ses pairs sont prévenus : l’ère de l’impunité touche à sa fin. Place aux comptes.