Après plus d’une décennie de guerre civile dévastatrice, un tournant majeur vient de s’opérer en Syrie. Abou Mohammad al-Jolani, le nouvel homme fort du pays à la tête d’une coalition à dominante islamiste, a annoncé mardi son intention de dissoudre les factions rebelles qui ont contribué à renverser le régime de Bachar al-Assad. Il a également réclamé la levée des sanctions internationales qui pèsent lourdement sur le pays.
Les Anciennes Factions Rebelles Intégrées À L’Armée Nationale
Dans une déclaration relayée par la chaîne Telegram de sa coalition, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), Abou Mohammad al-Jolani a affirmé que les groupes armés ayant combattu le régime « seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense ». Une annonce surprise qui marque un changement radical de cap, les factions rebelles acceptant de se ranger sous la bannière de l’institution militaire officielle.
Cette décision vise à rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire syrien et à tourner la page des années de lutte fratricide. Jolani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom Ahmad al-Chareh, a souligné que tous les combattants seront soumis à la loi, laissant entrevoir un retour progressif à l’ordre.
Un Appel À Un « Contrat Social » Entre Toutes Les Composantes De La Société
Au-delà de l’aspect sécuritaire et militaire, le chef de la coalition rebelle a esquissé sa vision pour l’avenir de la Syrie. Il a plaidé pour l’établissement d’un « contrat social » entre l’État et l’ensemble des confessions et communautés du pays, afin de garantir la « justice sociale » et de tourner la page des divisions.
La Syrie est en effet un pays pluriel, mosaïque de minorités ethniques et religieuses. Les années de guerre ont exacerbé les fractures et semé la défiance. En appelant à un nouveau pacte national inclusif, Jolani tend la main aux différentes composantes de la société syrienne, espérant ainsi favoriser la réconciliation.
La Levée Des Sanctions Internationales Réclamée
Autre demande formulée par Abou Mohammad al-Jolani : la levée des lourdes sanctions internationales qui visent la Syrie. Le pays est soumis depuis 2011 à de multiples trains de mesures punitives de la part de l’Occident, en raison de la répression sanglante de la révolte par le régime Assad. L’économie syrienne est exsangue, la population vit dans une grande précarité.
Pour le nouveau pouvoir en place, la normalisation des relations diplomatiques et la fin de la mise au ban de la communauté internationale sont des priorités. Sans cela, la reconstruction du pays et la relance économique apparaissent compromises. Mais les capitales étrangères se montrent pour l’heure prudentes, attendant de juger le nouveau régime sur ses actes.
Un Ballet Diplomatique Prudent À Damas
Si les chancelleries restent sur leurs gardes, elles multiplient cependant les démarches pour nouer un dialogue avec les nouveaux maîtres de Damas. L’Union Européenne a annoncé dépêcher un émissaire dans la capitale syrienne, imitée par Londres et Paris. Signe que le vent est peut-être en train de tourner.
Mais tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. L’Iran, allié de longue date du régime Assad, a ainsi fait savoir qu’il ne rouvrirait pas dans l’immédiat son ambassade saccagée lors de la prise de Damas par les rebelles en décembre. Téhéran reste dans l’expectative.
Bachar Al-Assad Crie Au « Terrorisme » Depuis Son Exil Russe
Pendant ce temps, l’ex-président déchu Bachar al-Assad est sorti de son silence. Réfugié à Moscou depuis la chute de son régime, il a accordé une interview lundi dans laquelle il qualifie les nouveaux dirigeants syriens de « terroristes ». Selon lui, il n’aurait fui son pays qu’après la prise de la capitale par les forces rebelles le 8 décembre dernier.
Des propos qui illustrent le ressentiment de l’ancien raïs, qui n’a visiblement pas renoncé à ses ambitions malgré sa déroute. Mais son influence apparaît bien limitée et son avenir politique plus qu’incertain, lui qui a aujourd’hui tout d’un homme du passé.
L’Urgence Humanitaire Et La Découverte De Charniers
Sur le terrain, l’urgence est ailleurs. Le responsable de l’aide humanitaire de l’ONU, en visite à Damas, a souligné lundi que la Syrie avait cruellement besoin d’un « flux d’aide massive » après ces 13 années d’une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Le pays est en ruines, les infrastructures dévastées, la population dans un état de grande vulnérabilité.
Autre dossier brûlant : les exactions du régime déchu. Des secouristes turcs mènent actuellement des recherches dans la prison de Sednaya, tristement célèbre, pour tenter de retrouver des détenus qui seraient enfermés dans des cachots souterrains. Cette sinistre geôle était le symbole de la répression et de la terreur sous Assad.
La Menace Djihadiste Toujours Présente
Les forces américaines, elles, continuent leur combat contre les djihadistes de l’État islamique. L’armée US a annoncé lundi avoir tué 12 membres de l’organisation terroriste lors de frappes aériennes visant des dirigeants, des combattants et des camps du groupe en Syrie. Malgré sa défaite territoriale, l’EI demeure une menace avec ses cellules dormantes et son idéologie mortifère.
De nombreux défis attendent donc le nouveau pouvoir à Damas. Politiquement, il s’agira de mener à bien le processus d’intégration des factions rebelles et de réussir l’ouverture en direction de toutes les composantes de la société. Sur le plan économique, la levée des sanctions occidentales apparaît indispensable pour enclencher la reconstruction. Enfin, l’urgence humanitaire et la lutte antiterroriste seront également des priorités.
Mais l’espoir d’un nouveau départ semble permis en Syrie après tant d’années noires. La guerre a peut-être pris fin sur le terrain, place désormais aux combats politiques pour bâtir l’avenir. Rien n’est gagné mais le pire est peut-être derrière les Syriens.