En cette fin d’année 2024, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump provoque l’angoisse de nombreuses familles d’immigrés clandestins installées depuis des décennies aux États-Unis. Malgré une vie entière passée sur le sol américain, l’épée de Damoclès plane désormais au-dessus de leur tête. Entre espoir et résignation, ces hommes et femmes sans-papiers veulent croire en un avenir meilleur, pour eux et surtout pour leurs enfants nés citoyens américains.
L’Amérique, seule patrie connue
C’est le cas d’Oscar Silva, 24 ans, arrivé bébé aux États-Unis. Diplômé d’une université texane, ce jeune homme a même fait un stage au Congrès. Marié à une Américaine, il ne peut pourtant accéder ni à un permis de travail, ni à un permis de conduire. « Je suis Américain à tous les égards, hormis les papiers », confie-t-il depuis sa maison près de Dallas.
Comme lui, ils seraient 500 000 à avoir espéré une régularisation via le programme « Keeping Families Together » annoncé par Joe Biden en juin. Mais révoqué depuis par la justice, il les laisse dans une inquiétude grandissante quant aux velléités d’expulsions massives promises par le nouveau président Trump.
Des enfants americains en danger
Ce cauchemar, Mirna Cabral le vit au quotidien. Mère célibataire depuis son veuvage en 2023, cette Mexicaine de 37 ans est arrivée à 5 ans aux États-Unis. Ses deux enfants de 10 et 12 ans, « dix fois plus américains que leur père », risquent de se retrouver livrés à eux-mêmes en cas d’expulsion. « Comment pourrais-je séparer mes enfants de leur maison, leurs rêves, tout ce qui leur appartient ? », s’interroge-t-elle, désemparée.
Je veux être ici pour le voir.
Mirna Cabral, en évoquant le futur de ses enfants
DACA, dernier rempart menacé
À l’instar de Mirna Cabral, des milliers de « dreamers » bénéficient encore du programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals). Créé sous Obama, ce dispositif protège de l’expulsion les immigrés arrivés mineurs et sans-papiers. Un bouclier fragile que beaucoup comme Foday Turay, Sierra-Léonais de 35 ans, père de famille et sans-papiers, redoutent de voir voler en éclat.
« J’espère qu’il [Trump] ne se concentrera que sur l’expulsion des criminels, car l’Amérique est un pays d’immigrés », veut croire le trentenaire. Les associations de défense des migrants, elles, se préparent au pire, hantées par les images de familles déchirées lors du premier mandat de Trump entre 2017 et 2021.
« Espérer le meilleur, se préparer au pire »
Face aux menaces, les intéressés oscillent entre résilience et fatalisme. Oscar Silva garde toujours sur lui les numéros d’un avocat et de sa famille, en cas d’arrestation. « Ce que je peux faire maintenant c’est simplement espérer le meilleur et me préparer au pire », résume-t-il.
Une préparation qui passe aussi par la transmission aux plus jeunes. Comme beaucoup, Mirna Cabral tient à jour les passeports de ses enfants. Et leur apprend l’espagnol, au cas où. Tout en espérant qu’ils n’aient jamais à quitter le seul pays qu’ils connaissent. Le pays pour lequel, malgré tout, leurs parents continuent de croire en « l’American Dream ».