C’est un sentiment de frustration et de déception qui domine chez les proches d’Aysenur Ezgi Eygi au lendemain de leur entrevue avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken à Washington. Cette militante américano-turque de 26 ans a été mortellement blessée par une balle dans la tête lors d’une manifestation contre la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée le 6 septembre dernier.
Reçus lundi au siège du département d’État, le mari et la soeur d’Aysenur Ezgi Eygi sont ressortis de cet entretien avec le sentiment d’avoir entendu « les mêmes déclarations » de la part du chef de la diplomatie américaine. « C’est frustrant d’entendre les mêmes choses, a confié son mari Hamid Ali à la presse. On a entendu qu’ils attendent la conclusion de l’enquête israélienne que nous n’estimons pas crédible. »
Une enquête israélienne controversée
Pour la famille d’Aysenur Ezgi Eygi, la crédibilité de cette enquête menée par les autorités israéliennes est fortement remise en question. Ils souhaitent que les États-Unis fassent publiquement pression sur le gouvernement israélien « pour qu’il mette fin à son enquête dans l’assassinat de ma soeur avant le changement d’administration » a souligné Ozden Bennett, la soeur de la victime, en référence à la passation de pouvoir prévue le 20 janvier prochain.
Quelques jours après ce drame qui avait suscité une vive émotion internationale, l’armée israélienne avait reconnu qu’il était « très probable » que des tirs provenant de ses rangs aient tué « indirectement et involontairement » la jeune femme. De nombreuses capitales, dont Ankara, avaient alors dénoncé un « assassinat arbitraire ».
Washington appelait à des « changements fondamentaux »
Du côté américain, si Antony Blinken s’était montré ferme dans un premier temps, qualifiant cette mort de « non justifiée » et appelant Israël à des « changements fondamentaux » dans les méthodes de ses forces de sécurité, le ton semble aujourd’hui plus mesuré. Interrogé sur cette affaire lors de son point presse quotidien, le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a confirmé lundi que Washington attendait les résultats de l’enquête israélienne.
« Le secrétaire d’État a présenté ses plus sincères condoléances à la famille de cette personne, parlant d’un incident qui n’aurait jamais dû se produire. Il s’est engagé auprès d’eux à leur communiquer les résultats de cette enquête dès que nous en aurons connaissance. »
Matthew Miller, porte-parole du département d’État américain.
Des propos qui témoignent certes de l’empathie des autorités américaines, mais qui ne répondent pas à l’attente principale des proches d’Aysenur Ezgi Eygi : que justice soit faite et que toute la lumière soit faite sur les circonstances exactes de sa mort. Une attente partagée par de nombreux défenseurs des droits de l’homme qui dénoncent régulièrement l’usage disproportionné de la force par l’armée israélienne dans les territoires palestiniens occupés.
Un symbole tragique du conflit israélo-palestinien
Au-delà du drame personnel vécu par sa famille, le destin tragique d’Aysenur Ezgi Eygi est devenu un symbole des tensions permanentes et des violences qui déchirent la région. Cette militante engagée, qui possédait la double nationalité américaine et turque, s’était rendue en Cisjordanie pour apporter son soutien à la cause palestinienne et dénoncer la politique de colonisation menée par Israël dans ces territoires.
Sa mort illustre une nouvelle fois la dangerosité de ce conflit qui ne cesse de faire des victimes civiles, prises entre les tirs de l’armée israélienne et les actions de groupes armés palestiniens. Un engrenage de violences que la communauté internationale peine à enrayer, malgré les appels répétés au dialogue et à la retenue.
Vers une résolution du conflit ?
Face à cette situation, nombreux sont ceux qui réclament une implication plus forte des grandes puissances, au premier rang desquelles les États-Unis, pour faire pression sur les deux parties et les amener à reprendre le chemin de la négociation. Mais le processus de paix israélo-palestinien est aujourd’hui au point mort, enlisé dans des considérations politiques et sécuritaires qui semblent inextricables.
Pour les proches d’Aysenur Ezgi Eygi, comme pour toutes les familles endeuillées par ce conflit, l’espoir de voir émerger une solution durable et équitable semble encore bien lointain. Mais leur combat pour que justice soit rendue et pour que la mémoire de leurs êtres chers ne soit pas oubliée reste intact. Un combat qui dépasse les frontières et les appartenances, et qui en appelle à la conscience de chacun.
