Le Canada traverse une zone de fortes turbulences politiques et économiques. Lundi matin, c’est une véritable bombe qui a secoué Ottawa : Chrystia Freeland, numéro deux du gouvernement et ministre des Finances, a présenté sa démission au Premier ministre Justin Trudeau. En cause : de profondes divergences sur la stratégie à adopter face aux menaces de taxes douanières brandies par le président américain élu Donald Trump.
Un pays sous la menace de son puissant voisin
L’annonce par Donald Trump de son intention de relever les droits de douane à 25% avec le Canada a provoqué une onde de choc au nord de la frontière. Et pour cause : les États-Unis absorbent 75% des exportations canadiennes, faisant du maintien de relations commerciales apaisées un enjeu vital pour l’économie du pays.
Dans sa lettre de démission, Chrystia Freeland évoque ouvertement le spectre d’une « guerre tarifaire » et reproche, en creux, à Justin Trudeau un certain angélisme :
Nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada au moment où le pays est confronté à un grand défi. Il faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre.
Chrystia Freeland, désormais ex vice-Première ministre du Canada
L’étincelle avant l’embrasement ?
Cette démission fracassante intervient à quelques heures seulement de la présentation par Chrystia Freeland du bilan économique automnal au Parlement. Selon des sources concordantes, ce document devrait faire état d’un déficit budgétaire bien plus dégradé que prévu pour 2023 et 2024, limitant drastiquement les marges de manœuvre du gouvernement pour amortir le choc d’une potentielle guerre commerciale avec Washington.
Justin Trudeau, qui a effectué fin novembre un aller-retour surprise en Floride pour tenter, en vain, d’infléchir Donald Trump, multiplie depuis les consultations tous azimuts. Mais l’inquiétude, voire la panique, semble gagner les différents échelons du pouvoir.
Doug Ford, le Premier ministre de l’Ontario, première région exportatrice du pays, a ainsi menacé la semaine dernière de couper les exportations d’électricité de sa province vers les États-Unis si Donald Trump mettait ses menaces à exécution.
Trudeau fragilisé, l’opposition à l’affût
Pour Justin Trudeau, la démission de celle qui fût un temps pressentie pour lui succéder à la tête du Parti Libéral est un très sérieux revers, alors même qu’il a annoncé son intention de briguer un nouveau mandat dans les mois à venir.
Déjà affaibli par plusieurs revers politiques récents, le Premier ministre voit sa capacité à affronter la tempête sérieusement questionnée, y compris dans son propre camp. « C’est un désastre total, une crise pour Justin Trudeau », estime ainsi Lori Turnbull, politologue à l’Université Dalhousie.
L’opposition conservatrice, bien décidée à renverser le gouvernement avant la date butoir d’octobre 2025, a déjà déposé depuis septembre trois motions de censure, en vain. Nul doute qu’elle va tenter de profiter de cette crise inédite pour accentuer la pression.
Le gouvernement est en lambeaux, même sa numéro deux a perdu confiance en Trudeau !
Andrew Scheer, chef du Parti Conservateur
Le Canada à la croisée des chemins
Au-delà des conséquences politiques, c’est bien l’avenir économique du pays qui semble aujourd’hui en jeu. La marge de manœuvre apparaît étroite pour le gouvernement, pris en tenaille entre la nécessité de défendre les intérêts vitaux du Canada face à un imprévisible président américain et la dégradation accélérée des finances publiques.
Entre la menace d’une guerre commerciale dévastatrice et celle d’une crise politique et sociale majeure, c’est un véritable numéro d’équilibriste qui attend désormais Justin Trudeau et son équipe. Avec en toile de fond cette question : le Canada est-il encore vraiment maître de son destin ?