Dans un jugement historique, un tribunal ougandais vient d’ordonner au gouvernement d’indemniser plus d’une centaine de victimes d’un ancien commandant de la redoutable Armée de résistance du Seigneur (LRA). Cette décision marque un tournant majeur dans la quête de justice pour les innombrables personnes ayant subi les pires sévices aux mains de ce groupe rebelle qui a terrorisé l’Afrique centrale pendant des décennies.
Une Condamnation Exemplaire
En octobre dernier, Thomas Kwoyelo, haut gradé de la LRA, a été condamné à 40 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Meurtres, tortures, viols, enlèvements… la liste des atrocités commises est longue et sordide. Ce procès aura été le premier du genre en Ouganda contre un chef de cette guérilla née dans les années 80.
Mais la sentence ne s’arrête pas là. Ce lundi, le tribunal de Gulu a estimé que le criminel n’était pas en mesure d’indemniser lui-même ses victimes. Dans un geste fort, les juges ont déclaré l’État ougandais responsable, l’accusant d’avoir failli à protéger sa population, permettant ainsi à ces horreurs de se produire.
L’Heure des Réparations
Concrètement, chacune des 103 victimes recensées devrait recevoir environ 1050€ de dédommagement de la part du gouvernement. Une somme portée à 1300€ pour les victimes de viols et violences sexuelles. Une reconnaissance, certes tardive et sans doute insuffisante, mais ô combien symbolique de leurs souffrances indicibles.
Nous aurions pu nous attendre à plus que ce que le tribunal a accordé aux victimes, mais nous pensons que c’est une victoire contre l’impunité.
Henry Komakech Kilama, avocat des victimes
Le Gouvernement Conteste
Sans surprise, les représentants du gouvernement ont vivement rejeté cette décision, affirmant qu’elle était dénuée de base juridique pour tenir l’État responsable. Ils ont suggéré que les indemnités soient plutôt versées par le fonds pour les victimes de la Cour pénale internationale. Un refus qui sonne comme un aveu de faiblesse pour nombre d’observateurs.
La LRA, Une Plaie Béante
Fondée par le tristement célèbre Joseph Kony, la LRA a mené une guérilla ultra-violente visant à instaurer un régime basé sur les dix commandements. On estime qu’elle serait responsable de plus de 100 000 morts et 60 000 enlèvements d’enfants, transformés en soldats pour les garçons et en esclaves sexuelles pour les filles. Des crimes d’une indicible cruauté qui ont laissé l’Afrique centrale meurtrie.
Chassée d’Ouganda, la LRA s’est ensuite dispersée dans les forêts de RDC, de Centrafrique, du Soudan du Sud et du Soudan, semant la terreur sur son passage. La traque de ses chefs se poursuit à ce jour, avec l’espoir qu’ils répondent enfin de leurs actes devant la justice internationale.
Une Lueur d’Espoir
Pour les victimes, ce jugement représente une lueur d’espoir dans leur long et douloureux combat pour la reconnaissance de leurs souffrances. Bien que l’argent ne puisse effacer les traumatismes subis, il constitue un premier pas vers une forme de réparation et de justice restaurative.
Reste à savoir si le gouvernement ougandais se pliera à la décision du tribunal. Selon des sources proches du dossier, un appel serait en préparation. Mais quelle que soit l’issue, ce procès aura marqué les esprits et posé les jalons d’une possible réconciliation nationale. Car pour tourner la page de ces années noires, l’Ouganda devra affronter ses démons et panser, une à une, les plaies de son passé tourmenté.