Lundi, le tribunal de grande instance de Mukaza a rendu son verdict dans l’affaire de Sandra Muhoza, une journaliste burundaise travaillant pour le média en ligne La Nova Burundi. Après plus de 8 mois de détention, elle a été condamnée à une peine cumulée d’un an et 9 mois de prison pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » et avoir « discrédité l’image du pays ». Une décision qui suscite l’indignation de ses avocats et de ses proches.
Une condamnation « injuste » pour un message privé sur WhatsApp
Selon Me Eric Ntibandetse, l’un des avocats de la journaliste, cette condamnation ne repose sur aucun fondement. Sandra Muhoza est accusée d’avoir relayé dans un groupe privé WhatsApp des informations sur une distribution d’armes par le gouvernement. Mais comme le souligne Reporters Sans Frontières (RSF), « la journaliste n’enquêtait même pas sur l’affaire ».
Pour les proches de Sandra Muhoza, il s’agit d’un verdict « scandaleux » qui démontre « l’acharnement d’un pouvoir décidé à la punir pour ce qu’elle est ». Ils dénoncent un dossier « vide » et envisagent de faire appel de cette décision.
12 ans de prison requis initialement
Lors du procès le mois dernier, le parquet avait requis une peine beaucoup plus lourde à l’encontre de la journaliste : 12 ans de prison. RSF avait alors tiré la sonnette d’alarme sur la sévérité de ces réquisitions pour un simple message partagé en privé.
Un autre cas emblématique récemment
Cette condamnation rappelle le cas de Floriane Irangabiye, une autre journaliste burundaise, qui avait été condamnée en août 2023 à 10 ans de prison, là encore pour « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Elle a finalement été libérée quelques mois plus tard suite à une grâce accordée par le président Évariste Ndayishimiye.
Un pays qui oscille entre ouverture et répression
Depuis son accession au pouvoir en 2020, le président Ndayishimiye envoie des signaux contradictoires. D’un côté, il multiplie les gestes d’ouverture en graciant certains journalistes ou opposants. Mais de l’autre, le régime reste sous l’emprise de puissants « généraux » et continue de museler toute voix critique, comme en témoigne la condamnation de Sandra Muhoza.
Résultat, le Burundi pointe toujours à une inquiétante 108e place dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Les velléités de changement affichées par le président Ndayishimiye peinent encore à se traduire dans les faits, au grand dam des journalistes et défenseurs des droits humains.
L’espoir d’un sursaut démocratique
Malgré ce contexte difficile, certains veulent croire que le vent est en train de tourner au Burundi. Ils espèrent que les petites avancées obtenues ces derniers mois, comme la libération de Floriane Irangabiye, sont les prémices d’un véritable sursaut démocratique.
Mais pour cela, il faudra que les autorités burundaises aillent beaucoup plus loin. Libérer ponctuellement quelques prisonniers ne suffit pas. C’est un changement de paradigme qui est nécessaire, avec un réel respect de la liberté d’expression et un abandon des pratiques répressives.
En attendant, des journalistes comme Sandra Muhoza continuent de payer un lourd tribut, simplement pour avoir voulu exercer leur métier et informer la population. Son sort rappelle tristement que le chemin vers un Burundi plus démocratique et respectueux des libertés fondamentales est encore long et semé d’embûches.