Au cœur du Donbass, dans l’Est de l’Ukraine, la cité minière de Pokrovsk se prépare à un destin funeste. Les grondements de l’artillerie russe se rapprochent inexorablement, sonnant le glas de cette ville autrefois prospère. Malgré l’imminence de la chute, une poignée d’irréductibles habitants s’accrochent encore à leur terre natale.
Une ville désertée par ses habitants
Des quelque 60 000 âmes qui peuplaient Pokrovsk, seules 10 000 sont encore présentes pour assister aux derniers jours de leur cité. Les rues, autrefois animées, résonnent maintenant des aboiements apeurés des chiens errants. Assis sur des bancs délabrés ou devant les rares épiceries ouvertes, des personnes âgées observent, impassibles, leur ville mourir à petit feu.
Nous pensions que nous étions protégés. Je pensais qu’il y aurait une véritable bataille pour défendre Pokrovsk.
Svitlana, une épicière de 51 ans
L’incrédulité se mêle à la résignation chez ces irréductibles, qui ne s’attendaient pas à voir l’armée ukrainienne céder si rapidement du terrain. Pokrovsk, nœud logistique crucial et centre de l’industrie de la coke, semblait pourtant promise à une défense acharnée.
Une lutte « particulièrement féroce »
Le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Oleksandre Syrsky, avait lui-même qualifié les combats de « particulièrement féroces » la semaine dernière. Pourtant, les troupes russes ne sont plus qu’à deux kilomètres des portes de la ville. Un nouveau revers cuisant pour Kiev, déjà en manque d’effectifs et de moyens pour contenir l’offensive russe dans l’Est.
Tout le monde a accepté le fait que les Russes vont entrer dans Pokrovsk.
Un militaire ukrainien suivi par 200 000 personnes sur les réseaux sociaux
Une ville en ruines
Les stigmates de la guerre sont omniprésents à Pokrovsk. Ponts effondrés, bâtiments soviétiques éventrés, l’ampleur des destructions témoigne de la violence des bombardements. L’université locale n’est plus qu’un champ de ruines, symbole d’un avenir qui s’effondre.
Ils n’ont pas seulement détruit le bâtiment. Ils ont détruit son histoire et les espoirs des enseignants et des étudiants de pouvoir y retourner.
Olga Bogomaz, professeure agrégée de Pokrovsk
La vie s’est figée dans cette cité fantôme. Plus de banques, de gaz, les installations minières, poumon économique de la ville, tournent au ralenti. L’exode s’intensifie, les derniers habitants fuient comme ils peuvent vers l’ouest du pays, laissant derrière eux leur passé, leur maison, leur vie d’avant.
Un destin scellé ?
Face à l’avancée russe, la chute de Pokrovsk semble inéluctable. Les analystes militaires pointent les erreurs stratégiques, les retards d’équipements, les failles du système de défense ukrainien. Sur le front, la résignation gagne les rangs.
Il y aura bientôt des batailles de rue à Pokrovsk.
Gypsie, conducteur de char d’assaut ukrainien
Pour Anna, 21 ans, l’heure du départ a sonné. Direction Kiev, loin du front, loin de cette ville qui l’a vu grandir mais qui n’est plus qu’un champ de bataille. Un déchirement pour cette jeune femme, qui espère un jour retrouver sa maison. À une condition : que Pokrovsk « fasse toujours partie de l’Ukraine ».
La chute de Pokrovsk marquerait un tournant dans la guerre du Donbass. Une victoire symbolique et stratégique pour Moscou, un cruel revers pour Kiev. Mais au-delà des considérations militaires, c’est tout un pan de l’histoire ukrainienne qui est en train de s’effondrer sous les bombes. Pokrovsk, cité minière autrefois florissante, risque de n’être plus qu’un souvenir, un nom sur une carte, synonyme du destin tragique d’une région sacrifiée sur l’autel de la guerre.