La paternité est un sujet qui suscite de nombreux débats dans notre société actuelle. Entre une vision très idéalisée du père et une méfiance accusatrice, le discours contemporain peine à trouver un juste milieu. Deux psychologues, Kevin Hiridjee et Sébastien Dupont, se sont récemment exprimés sur cette question épineuse, plaidant pour un changement de regard sur les pères, en particulier ceux qui sont séparés.
Une paternité entre idéalisation et accusation
Selon Kevin Hiridjee, auteur de « Qu’est-ce qu’un père ? », l’image du père oscille aujourd’hui entre deux extrêmes. D’un côté, une vision très idéalisée lui attribue un rôle prépondérant pour séparer l’enfant de la fusion maternelle, lui transmettre son nom et l’ouvrir au monde. De l’autre, une approche méfiante le présente comme foncièrement malveillant, incompétent et inutile.
Face à cette dichotomie, les deux psychologues appellent à adopter un regard plus nuancé et pragmatique. Si certains comportements de démission paternelle sont à pointer du doigt, la grande majorité des pères se montrent impliqués et leur importance dans le développement de l’enfant doit être reconnue.
Des pères séparés souvent montrés du doigt
Les projecteurs ont été mis cette année sur les familles monoparentales, avec une tendance à accuser les pères séparés d’être démissionnaires. D’après une source proche de l’Élysée, le président de la République aurait affirmé qu’en parlant de droit de visite et non de devoir, on avait « laissé les hommes s’exonérer de leurs devoirs de parentalité ».
Pour Sébastien Dupont, thérapeute familial et auteur de « Les pères et la paternité », ces propos adoptent une approche pragmatique qui blâme un comportement existant chez certains pères sans accuser la majorité d’entre eux qui s’impliquent au quotidien. Ils ont surtout le mérite de reconnaître l’importance du père.
Plaidoyer pour s’adresser directement aux pères concernés
Au-delà des discours, les deux psychologues insistent sur la nécessité de s’adresser directement aux pères, en particulier ceux qui sont séparés. Trop souvent soupçonnés d’emblée d’être violents ou indifférents à leurs enfants, ils ont besoin d’être écoutés et accompagnés dans leur paternité.
Il est essentiel de changer notre regard sur les pères, de valoriser leur rôle tout en pointant certaines démissions, sans tomber dans une vision binaire les présentant soit comme des héros, soit comme des dangers.
Kevin Hiridjee, psychologue
Selon une étude récente, près de 8 pères séparés sur 10 souhaiteraient passer plus de temps avec leurs enfants mais se heurtent à de nombreux obstacles, tant matériels que psychologiques. Un accompagnement adapté pourrait les aider à mieux investir leur paternité.
Une paternité à réinventer
Au final, c’est vers une nouvelle vision de la paternité que nous invitent les deux psychologues. Une paternité qui ne soit ni sacralisée, ni dénigrée mais pleinement reconnue dans sa complexité et ses enjeux. Une paternité à construire et à accompagner, au bénéfice des pères comme des enfants.
Car être père aujourd’hui n’est pas chose aisée. Entre des modèles traditionnels qui s’effritent et de nouvelles attentes sociales, les repères sont brouillés. Il est urgent d’ouvrir des espaces de parole et de soutien pour permettre à chaque père de trouver sa voie, dans le respect de l’intérêt de l’enfant.
La société a beaucoup à gagner à mieux accompagner les pères. C’est un enjeu de santé publique, pour le bien-être des enfants comme des adultes.
Sébastien Dupont, psychologue
Alors que la défense des droits des mères, et en particulier des mères célibataires, est aujourd’hui (légitimement) mise en avant, il est temps de ne pas oublier les pères. Eux aussi ont besoin d’être soutenus et valorisés dans leur rôle, au-delà des clichés et des procès d’intention. Un défi majeur pour notre société en quête de nouveaux équilibres familiaux.