Parfois, la réalité dépasse la fiction. C’est ce que démontre avec brio l’exposition « La Bataille d’Orly », présentée jusqu’au 24 décembre à la Galerie 78, dans le Marais à Paris. Six ans après la violente altercation entre les rappeurs Booba et Kaaris à l’aéroport d’Orly, cet événement marquant de la scène hip-hop française est revu et décrypté à travers le prisme de l’art contemporain. Une plongée saisissante dans les dérives d’un certain rap hexagonal.
Quand le clash vire à l’affrontement physique
Retour en août 2018. Les deux stars du rap Booba et Kaaris, en froid depuis plusieurs mois, se croisent par hasard dans le hall d’Orly. Les insultes fusent, puis très vite les poings. Une rixe éclate, d’une rare violence. Ils se battent au milieu des passagers sidérés, utilisant même des bouteilles de parfum comme projectiles. Une scène surréaliste, immortalisée par des vidéos amateur devenues virales. L’incident fera la Une des médias pendant des semaines.
Ce « combat de MMA à Orly » entre Booba et Kaaris était complètement fou. On était choqués de voir ça dans un aéroport !
Un témoin de la scène
45 000 euros de dégâts et de lourdes condamnations
Au-delà du buzz médiatique, l’affrontement aura des conséquences bien réelles pour les deux rappeurs. Ils seront condamnés à 18 mois de prison avec sursis et devront verser plus de 45 000 euros pour les dégâts occasionnés dans l’aéroport. Un coup dur pour leur image, déjà entachée par de nombreuses polémiques.
Une rivalité ancienne sur fond de provocations
Mais comment en est-on arrivé là ? Si Booba et Kaaris avaient collaboré par le passé, leur relation s’était envenimée ces dernières années, alimentée par des provocations sur les réseaux sociaux. Entre clashs, menaces et moqueries, le ton était monté crescendo, pour aboutir à ce point de non-retour à Orly.
Ça faisait des mois que Booba et Kaaris se cherchaient sur le web. Tout le monde savait que ça allait dégénérer à un moment.
Un fan de rap
L’expo « La Bataille d’Orly » : violence et dérives du rap disséquées
C’est cet enchaînement explosif que l’artiste Guillaume Cagniard a voulu retracer dans son exposition. À travers une série de tableaux et de sculptures, il revisite la bagarre avec un regard incisif. La violence frontale de l’accrochage est omniprésente, déclinée sous tous les angles.
- Une fresque à l’aérosol fige dans le temps ce duel au milieu des passagers terrifiés
- Des peintures décomposent le combat en plusieurs rounds
- Une sculpture en bronze d’un poing tenant un flacon de parfum rappelle l’arme de fortune utilisée
Mais au-delà du simple fait divers, l’exposition interroge aussi la relation ambiguë des rappeurs aux réseaux sociaux et à leur propre image. Une dernière partie fantasme même un hypothétique match retour entre les deux rivaux, comme si leur destin était inéluctablement lié. Un constat glaçant sur un certain rap qui semble parfois se perdre dans une surenchère de violence et de clashs permanents.
Avec cette expo, je voulais montrer la dérive de cette industrie du clash qui pousse les artistes à toujours aller plus loin. Booba et Kaaris sont allés au bout de cette logique destructrice.
Guillaume Cagniard, artiste et créateur de l’exposition
Une expo coup de poing à l’image de son sujet
Provocante, dérangeante mais diablement efficace, « La Bataille d’Orly » frappe fort. En retraçant méticuleusement les étapes de ce clash devenu emblématique, elle offre une radiographie saisissante de la part d’ombre du rap. Une exposition coup de poing, à l’image de son sulfureux sujet. Et qui prouve, s’il en était besoin, que l’art peut se nourrir même des faits divers les plus sordides pour en tirer une réflexion puissante sur notre société.
À voir absolument pour plonger, non sans effroi, dans les recoins les plus sombres de la galaxie rap. En espérant que Booba et Kaaris, eux, en tireront les leçons pour écrire de nouvelles pages, plus positives cette fois, de leurs carrières respectives. Le rap français ne s’en portera que mieux.