Pour la première fois depuis huit longues années, les eaux cambodgiennes ont vu accoster un navire de guerre américain ce lundi. L’USS Savannah a jeté l’ancre non loin de la ville portuaire de Sihanoukville, dans le sud du pays, à seulement une trentaine de kilomètres d’une base navale récemment rénovée grâce aux généreux financements de la Chine. Une escale lourde de sens dans un contexte de relations sino-américaines tendues.
Officiellement, cette visite vise à « renforcer et développer l’amitié » entre le Cambodge et les États-Unis, ainsi qu’à « promouvoir la coopération bilatérale », selon un communiqué du ministère cambodgien de la Défense publié vendredi. Pourtant, difficile de ne pas y voir un message adressé à Pékin, dont l’influence ne cesse de croître dans le royaume.
Le Cambodge, un allié de plus en plus proche de la Chine
Depuis plusieurs années, les relations entre Washington et Phnom Penh ne cessent de se détériorer, tandis que dans le même temps, la Chine injecte des milliards de dollars dans divers projets d’infrastructures sous l’ère de l’ancien dirigeant Hun Sen. Un rapprochement qui n’est pas du goût des Américains.
Leur inquiétude se focalise notamment sur la base navale de Ream, dont la rénovation est financée depuis 2022 par les Chinois. Pour Washington, ce site pourrait offrir à Pékin une position stratégique dans le golfe de Thaïlande, à proximité de la très convoitée mer de Chine méridionale. Des allégations réfutées avec constance par les autorités cambodgiennes.
Une présence chinoise de plus en plus visible
Pourtant, les faits sont là. En décembre dernier, des navires de guerre chinois s’étaient amarrés pour la première fois dans la base de Ream. En mai, rebelote, avec cette fois-ci deux bâtiments accostant à Sihanoukville dans le cadre des plus grandes manœuvres militaires jamais organisées entre la Chine et le Cambodge. Une démonstration de force qui n’a pas manqué d’être remarquée.
Les États-Unis veulent montrer qu’ils n’ont pas dit leur dernier mot
Face à cette influence grandissante de Pékin, Washington tente de reprendre la main. La visite de l’USS Savannah en est l’illustration parfaite. Certes, 27 navires de guerre américains ont accosté au Cambodge depuis 2007, mais cela faisait huit ans qu’on n’en avait plus vu. Un retour remarqué donc.
Au programme de cette escale de trois jours : rencontre avec le commandant de la base de Ream et activités visant à « améliorer l’échange culturel et la coopération » entre les deux pays. Une manière pour les États-Unis de rappeler qu’ils entendent bien rester un acteur incontournable dans la région.
Vers un réchauffement des relations entre Washington et Phnom Penh ?
Cette visite intervient quelques semaines seulement après le déplacement au Cambodge du secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin. But affiché de ce voyage : relancer les relations bilatérales avec ce proche allié de la Chine. Un objectif ambitieux tant les liens se sont distendus ces dernières années sur fond de critiques américaines quant à la dérive autoritaire du régime de Hun Sen.
Les États-Unis considèrent le Cambodge comme un partenaire important pour la paix, la stabilité et la prospérité dans la région.
– Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense, lors de sa visite à Phnom Penh en juin 2023
Malgré ces déclarations d’intention, le chemin vers une normalisation des relations s’annonce long et semé d’embûches. Car entre un Cambodge qui courtise ouvertement la Chine et des États-Unis bien décidés à contrer l’influence de Pékin dans la région, les intérêts divergent. L’escale de l’USS Savannah apparaît donc avant tout comme un coup de communication de Washington, une manière de rappeler que l’Oncle Sam garde un œil attentif sur ce qui se passe dans le golfe de Thaïlande.
Reste à voir si cette opération séduction suffira à inverser la tendance et à contrebalancer le rapprochement entre Phnom Penh et Pékin. Une chose est sûre : dans ce bras de fer géopolitique, chaque geste compte. Et l’arrivée d’un navire de guerre américain dans le port cambodgien n’est certainement pas anodine. Les prochains mois nous diront si ce coup de projecteur aura suffi à raviver la flamme entre les deux pays ou si, au contraire, le Cambodge continuera sa lente dérive vers la sphère d’influence chinoise.