Le Bangladesh se prépare à tourner une page importante de son histoire politique. Muhammad Yunus, dirigeant par intérim depuis la chute de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina en août dernier, vient d’annoncer la tenue d’élections législatives à la fin de l’année 2025 ou au début 2026. Une nouvelle très attendue dans ce pays d’Asie du Sud qui aspire à renouer avec la démocratie après des années de dérive autoritaire.
Le départ précipité de Sheikh Hasina avait créé un vide politique. Celle qui dirigeait le Bangladesh d’une main de fer depuis 2009 s’était enfuie en hélicoptère vers l’Inde le 5 août, alors que des manifestants envahissaient son palais après des semaines de contestation. Un coup de théâtre qui a propulsé Muhammad Yunus, lauréat du prix Nobel de la paix, à la tête d’un gouvernement de transition.
Muhammad Yunus face au défi des réformes démocratiques
Depuis son arrivée au pouvoir, celui qu’on surnomme le « banquier des pauvres » pour son combat contre la pauvreté s’est attelé à une tâche qu’il qualifie lui-même d' »extrêmement difficile » : remettre le Bangladesh sur les rails de la démocratie et organiser des élections libres et transparentes. Un défi de taille dans un pays marqué par les dérives du régime de Sheikh Hasina.
Pendant ses années au pouvoir, l’ancienne Première ministre avait été accusée de bafouer les droits de l’homme, d’emprisonner et d’exécuter ses opposants, de museler la presse et la société civile. Elle avait aussi mis sous sa coupe la justice et l’administration pour faire taire toute contestation et organiser des élections entachées de fraudes.
Un calendrier électoral encore incertain
Pour rompre avec ces pratiques, Muhammad Yunus a mis en place des commissions chargées de mener les réformes nécessaires avant la tenue du scrutin. Parmi les chantiers prioritaires figurent l’établissement de listes électorales fiables, la révision des lois électorales, le renforcement de l’indépendance de la commission électorale et des médias.
La date exacte des élections dépendra de l’avancée de ces réformes et d’un accord entre les différents partis politiques. Muhammad Yunus a évoqué deux scénarios : fin 2025 avec des réformes minimales ou début 2026 avec des réformes plus poussées. Le temps presse car la Constitution prévoit un retour à un gouvernement élu au plus tard 2 ans après sa prise de pouvoir.
De lourds défis à surmonter d’ici les élections
Au-delà des réformes politiques, le gouvernement intérimaire doit aussi faire face à une situation économique et sociale difficile. Avec une population de près de 170 millions d’habitants, dont une grande partie vit sous le seuil de pauvreté, le Bangladesh est confronté à des défis immenses en termes d’emploi, d’éducation, de santé. Sans compter les catastrophes climatiques à répétition qui frappent ce pays très exposé.
Muhammad Yunus, qui a consacré sa vie à la lutte contre la pauvreté à travers le micro-crédit, en est bien conscient. Il a promis de mettre l’accent sur le développement humain et la résilience durant cette période de transition. Mais il sait aussi que seul un gouvernement légitime et stable, issu d’élections crédibles, pourra s’attaquer durablement à ces problèmes de fond.
Vers une nouvelle ère démocratique au Bangladesh ?
L’annonce du calendrier électoral par Muhammad Yunus est donc un premier pas important vers la normalisation de la vie politique au Bangladesh. Mais le chemin est encore long et semé d’embûches avant que le pays ne puisse tourner définitivement la page des années Hasina.
La tenue d’élections libres, transparentes et inclusives en 2025 ou 2026 sera un test majeur pour la maturité démocratique du pays. Muhammad Yunus en est le garant moral mais il aura besoin du soutien de toutes les forces vives de la nation – partis politiques, société civile, communauté internationale – pour réussir ce pari. C’est à ce prix que le Bangladesh pourra enfin ouvrir un nouveau chapitre de son histoire et libérer le potentiel immense de sa jeunesse et de sa vitalité.