C’est l’heure des réquisitions dans le procès de l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie sauvagement tué le 16 octobre 2020 devant le collège où il enseignait en région parisienne. Après six semaines d’audience, le parquet doit prendre la parole ce lundi pour réclamer les peines contre les huit accusés impliqués à divers degrés dans ce crime qui avait profondément choqué la France.
Deux accusés risquent la perpétuité
Les regards seront particulièrement tournés vers les réquisitions visant Naim Boudaoud et Azim Epsirkhanov, deux amis de l’assassin Abdoullakh Anzorov, tué par la police peu après les faits. Âgés de 22 et 23 ans, ils sont poursuivis pour « complicité d’assassinat terroriste » et encourent la réclusion criminelle à perpétuité.
Selon l’accusation, les deux hommes auraient aidé le tueur à se procurer des armes et, concernant Boudaoud, à se rendre aux abords du collège le jour du crime. Tout au long du procès, ils n’ont cessé de clamer leur innocence, affirmant n’avoir rien su des intentions meurtrières de leur ami. Le ministère public a toutefois proposé une possible requalification des faits en « association de malfaiteurs terroriste », un crime passible de 30 ans de prison.
Le rôle clé du cyberharcèlement
Au-delà de ces deux principaux accusés, le procès a mis en lumière le rôle central joué par la campagne de cyberharcèlement dont Samuel Paty a fait l’objet dans les jours précédant sa mort. Tout est parti du mensonge d’une collégienne qui avait accusé à tort le professeur de discrimination envers les élèves musulmans lors d’un cours sur la liberté d’expression.
Le père de l’adolescente, Brahim Chnina, ainsi que le sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui sont poursuivis pour avoir relayé et amplifié cette fausse information à travers des vidéos virales sur les réseaux sociaux. Des publications qui avaient attiré l’attention du tueur sur Samuel Paty.
Ce que j’ai fait est irréparable et impardonnable
a reconnu à la barre Brahim Chnina, tout en contestant l’accusation d’association de malfaiteurs terroriste
Quant à Abdelhakim Sefrioui, il a nié tout lien de cause à effet entre sa vidéo et le passage à l’acte d’Anzorov, estimant que « si elle n’avait pas existé, ça n’aurait rien changé ». Une ligne de défense qui exaspère les parties civiles.
Des peines de 10 à 30 ans requises pour les autres accusés?
Pour les six autres accusés, membres de la mouvance islamiste radicale gravitant autour du tueur sur les réseaux sociaux, le parquet devrait réclamer des peines allant de 10 à 30 ans de prison. Seul l’un d’entre eux, Ismaël Gamaev, a reconnu avoir eu connaissance du projet criminel.
La défense aura ensuite la parole mardi et mercredi avant le verdict très attendu, qui pourrait intervenir d’ici la fin de la semaine. Plus de deux ans et demi après la mort de Samuel Paty, ce procès hors norme touche à sa fin, avec l’espoir qu’il permettra de comprendre l’engrenage ayant conduit à cet acte terroriste.
Mais au-delà des responsabilités individuelles, c’est aussi le rôle des réseaux sociaux et les dangers du cyberharcèlement qui auront été au cœur des débats. Samuel Paty, devenu malgré lui un symbole de la liberté d’expression et de la laïcité, laisse derrière lui une famille et une communauté éducative meurtries, en quête de réponses et de justice.