48 heures à peine après sa nomination, le nouveau Premier ministre François Bayrou s’attelle déjà à la lourde tâche de former son gouvernement. Un véritable casse-tête politique qui s’annonce, sur fond de crise budgétaire et d’une Assemblée nationale morcelée où le gouvernement ne dispose pas de majorité claire.
Un marathon de consultations pour des alliances incertaines
Tout au long de ce lundi, les groupes parlementaires vont défiler à Matignon pour des entretiens avec François Bayrou. L’objectif : sonder les bonnes volontés et tenter de constituer une majorité, même relative, pour éviter une motion de censure sur le prochain budget.
Selon des sources proches de Matignon, les consultations se déroulent « par ordre d’importance » des groupes. François Bayrou a ainsi débuté par un tête-à-tête avec Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée. Une entrevue qui en dit long sur le rapport de forces au Palais Bourbon. Le Rassemblement national, arrivé en tête aux législatives, apparaît comme un interlocuteur incontournable.
Mais le parti d’extrême droite n’a pas l’intention de faire de cadeaux au gouvernement Bayrou. Marine Le Pen a fustigé « une coalition des contraires » et n’exclut pas de déposer une motion de censure, même si elle assure que le RN ne le fera pas « a priori ».
Les macronistes en soutien, LR en embuscade
Après le RN, François Bayrou reçoit le président du groupe Renaissance (ex-LREM), Gabriel Attal, accompagné par Stéphane Séjourné, patron du parti présidentiel. Les macronistes, pourtant affaiblis, apparaissent comme les alliés naturels de Bayrou, lui-même issu du centre. Ils devraient apporter leur soutien au gouvernement, sans pour autant obtenir de postes clés.
Du côté de LR, le suspense demeure entier. Le parti de droite, potentiel appoint précieux pour la majorité, se montre prudent. Son président Éric Ciotti rencontrera François Bayrou, mais pose ses conditions pour un éventuel soutien :
La participation au gouvernement dépendra du projet qui nous sera présenté. Nous n’avons pas vocation à être une force d’appoint.
Éric Ciotti, président des Républicains
La gauche entre opposition et main tendue
La France Insoumise, sans surprise, claque la porte des consultations. Jean-Luc Mélenchon dénonce « une comédie » et promet une motion de censure.
Mais le reste de la gauche se montre plus nuancé. Si le PS exclut de participer au gouvernement, ses dirigeants rencontreront tout de même François Bayrou. Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, évoque des discussions possibles sur certains sujets comme une « conférence sociale » sur les retraites.
Un gouvernement de personnalités sous pression budgétaire
En parallèle des tractations politiques, François Bayrou s’attelle à la composition de son équipe gouvernementale, qu’il veut restreinte et expérimentée. D’après son entourage, le Premier ministre souhaite s’entourer de « personnalités » aguerries plutôt que de représentants des partis.
Parmi les noms qui circulent, on retrouve d’anciens ministres comme Roland Lescure (ex-Industrie) pour Bercy, ou encore des profils techniques comme le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Car l’urgence pour le nouveau gouvernement sera avant tout budgétaire. Après le rejet du budget 2024 et la dégradation de la note française par Moody’s, il faut rassurer les marchés et les partenaires européens. François Bayrou planche déjà sur le prochain projet de loi de finances, et a reçu dimanche le ministre sortant du Budget, Laurent Saint-Martin.
Des incertitudes sur la réforme des retraites
Autre sujet brûlant : la réforme des retraites, qui a cristallisé les tensions sous le gouvernement Élisabeth Borne. Selon certaines sources, François Bayrou envisagerait de temporiser sur ce dossier explosif, préférant se concentrer sur les urgences budgétaires et le pouvoir d’achat.
Un pari risqué, alors que le système de retraites français demeure structurellement déficitaire. Mais un passage en force sur les retraites semble difficilement envisageable dans le contexte politique actuel.
Au final, François Bayrou joue une partition délicate, entre recherche de compromis et impératifs budgétaires. Il a quelques jours pour trouver la bonne formule gouvernementale et tenter de construire une majorité de circonstance. Faute de quoi, son gouvernement pourrait être le plus éphémère de la Ve République, faisant à nouveau plonger le pays dans l’instabilité politique.