C’est un constat sans concession que dresse l’ancien Président François Hollande, deux jours après la nomination mouvementée de François Bayrou à Matignon. Au terme d’un véritable bras de fer avec Emmanuel Macron, le centriste aurait gagné « une forme d’indépendance » en s’imposant comme Premier ministre, analyse l’élu socialiste sur BFMTV.
Un Premier ministre plus dépendant du Parlement que du Président
Pour François Hollande, les conditions de la nomination de Bayrou changent la donne. « Il ne dépend plus du président, il ne dépend que du Parlement, en l’occurrence de l’Assemblée nationale », estime l’ancien locataire de l’Élysée. Une situation inédite sous la Ve République, où traditionnellement, le Premier ministre est avant tout l’homme du Président.
Cette indépendance nouvelle n’est pas sans risque, prévient cependant François Hollande. Bayrou devra en « faire bon usage », exhorte-t-il, en s’appuyant sur le Parlement pour gouverner. Une manière d’appeler le nouveau chef du gouvernement à jouer pleinement son rôle de trait d’union entre l’exécutif et le législatif.
Vivre la démocratie parlementaire
Pour l’ancien Président, Bayrou doit saisir cette opportunité pour « faire vivre » l’Assemblée nationale « comme dans une démocratie parlementaire ». Une petite révolution, après cinq années de présidentialisme marquées par la verticalité du pouvoir macroniste.
Les conditions dans lesquelles il a été nommé lui donnent une forme d’indépendance dont il doit faire bon usage.
François Hollande, ancien Président de la République
Un avertissement autant qu’un conseil, alors que le nouveau locataire de Matignon doit encore faire ses preuves dans la gestion des équilibres subtils entre Élysée, Assemblée et opinion. Un défi de taille, même pour ce vieux routier de la politique.
Du changement en perspective
Malgré sa « même sensibilité politique » qu’Emmanuel Macron, dixit François Hollande, Bayrou devra incarner le « changement » attendu par les Français. Un changement dans la méthode, mais aussi sur le fond. « C’est ça qui doit être sa méthode et le contenu de ses propositions », insiste l’ex-chef de l’État.
Stabilité, crédibilité, expérience : autant d’atouts que François Hollande reconnaît au nouveau Premier ministre. Mais ils ne suffiront pas sans une réelle volonté de réforme et d’écoute. Le changement sera la clé de la longévité, analyse-t-il : « Pour que ça dure, il faut qu’il y ait des évolutions ».
L’ouverture comme méthode
Pour réussir ce pari, François Bayrou devra jouer la carte de l’ouverture, notamment vers la gauche. Son objectif : parvenir à un accord de « non-censure » avec une partie des oppositions. Une main tendue nécessaire pour qui veut gouverner sans majorité absolue à l’Assemblée.
Cela passera par des « garanties » et des « avancées » aux forces de progrès, prévient François Hollande. Des concessions indispensables pour espérer une trêve dans l’hémicycle. Un chemin de crête périlleux, entre fermeté et compromis, sur lequel le centriste est attendu.
Un Premier ministre enfin à Matignon
En imposant son choix à Emmanuel Macron, François Bayrou marque d’emblée son territoire. Un tournant après ces années où Matignon n’était qu’une annexe de l’Élysée. Avec lui, le poste de Premier ministre pourrait retrouver ses lettres de noblesse et son rôle cardinal dans les institutions.
Raillé par François Hollande, ce bras de fer pourrait finalement être l’opportunité d’un rééquilibrage des pouvoirs au sommet de l’État. Une chance à saisir pour le nouveau chef du gouvernement, qui a toutes les cartes en main pour s’imposer comme un Premier ministre enfin à Matignon.
Reste à savoir si François Bayrou saura se montrer à la hauteur de ce défi historique. Les premières semaines de son mandat seront décisives pour installer un nouvel équilibre des pouvoirs et sortir de l’hyper-présidence de l’ère Macron. Un sacré pari, dont dépendra la réussite de ce nouveau tandem à la tête de l’exécutif.