Qousseir, une ville de l’ouest de la Syrie, porte encore les stigmates d’un conflit qui a déchiré le pays pendant plus d’une décennie. Ses habitants, chassés il y a près de 10 ans lorsque le Hezbollah libanais, soutien du régime de Bachar al-Assad, avait pris le contrôle de la cité, reviennent aujourd’hui pour tenter de reconstruire leur vie au milieu des ruines.
Une ville longtemps inaccessible
Pendant des années, les résidents de Qousseir n’ont pas eu le droit de mettre les pieds dans la plupart des quartiers de leur propre ville. Selon des témoignages recueillis sur place, même les commerçants en étaient exclus. La raison ? Le Hezbollah avait transformé de nombreux bâtiments en entrepôts d’armes et de munitions.
Mais le départ récent des combattants du Hezbollah a permis aux habitants de réinvestir les lieux. « Grâce à Dieu, après la libération, les habitants ont pu récupérer leurs commerces, leurs maisons, leurs terres. Et ils les reconstruiront », se réjouit Ali Khleif, un jeune homme de 22 ans originaire de cette ville frontalière avec le Liban.
Le lourd tribut de la guerre
Si la joie des retrouvailles est immense, elle est ternie par l’ampleur des dégâts. La grande majorité des habitations de Qousseir ont été détruites ou gravement endommagées par des années de combats acharnés. Le Hezbollah avait notamment établi des bases dans une école et une station de pompage d’eau.
Quand la milice chiite est arrivée en 2013 pour prêter main forte à l’armée syrienne face à la rébellion qui gagnait du terrain, les habitants ont dû fuir. Certains ont trouvé refuge dans les environs de Qousseir, d’autres ont traversé la frontière libanaise. Tous ont tout perdu, ou presque.
Nous sommes revenus pour découvrir nos maisons détruites. Ça, c’est ma maison. Et là, ce sont les trois maisons de mes beaux-frères. Derrière, c’est la maison de mon frère, puis encore plus loin, celle de ma belle-mère, de mes deux sœurs, et encore une maison appartenant au frère de mon mari. Toutes, réduites en poussière.
Samar Harfouch, 38 ans, habitante de Qousseir
Un point stratégique dans le conflit
Le contrôle de Qousseir revêtait une importance cruciale pour le Hezbollah et ses alliés iraniens et syriens. La ville était en effet devenue un véritable « couloir pour le transport d’armes de Syrie et d’Iran, via l’Irak, en passant par le Liban », explique Ayman Soweid, un avocat de 30 ans.
Cette position stratégique a valu à la région d’être fréquemment bombardée par l’aviation israélienne, qui ciblait les positions du Hezbollah en territoire syrien. Mais la donne a changé avec la perte de terrain de Bachar al-Assad face à la coalition rebelle dominée par les islamistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
Lourdement affaibli par un an de conflit avec Israël, le Hezbollah a dû battre en retraite, abandonnant Qousseir aux mains de ses habitants. Un retrait brutal qui a laissé la ville exsangue, mais a aussi fait naître l’espoir d’un nouveau départ.
Reconstruire sur les décombres
Malgré la dévastation qui les entoure, les résidents de Qousseir sont déterminés à redonner vie à leur cité. Beaucoup ont déjà commencé à déblayer les gravats, à réparer ce qui peut l’être, à rebâtir ce qui a été pulvérisé.
Leur résilience force l’admiration. Après avoir tout perdu, ils sont prêts à repartir de zéro, mus par un farouche désir de retrouver une existence normale. Leur combat est loin d’être gagné, tant les défis sont immenses, mais leur courage est intact.
L’histoire de Qousseir est celle de milliers d’autres villes syriennes ravagées par une guerre interminable. Elle raconte le drame d’une population prise en étau, ballotée au gré des rapports de force, qui n’a d’autre choix que de s’adapter pour survivre. Une leçon de vie, en somme, dans un pays qui peine à entrevoir la lumière au bout du tunnel.