À quelques mois des élections générales anticipées en Allemagne, l’Alternative für Deutschland (AfD), le parti d’extrême droite, remet en question l’appartenance du pays à l’OTAN. Des propos qui bousculent la campagne électorale et soulèvent de vives réactions. Décryptage d’une prise de position lourde de sens dans un contexte international tendu.
L’AfD exige que l’OTAN prenne en compte les intérêts de la Russie
Tino Chrupalla, co-dirigeant de l’AfD, a déclaré au quotidien allemand Welt que l’Allemagne devrait reconsidérer son appartenance à l’OTAN si l’alliance dominée par les États-Unis ne prenait pas en compte les intérêts des pays européens, « y compris les intérêts de la Russie« .
Selon lui, l’Europe a été forcée de mettre en œuvre les intérêts américains, une situation que l’AfD rejette. M. Chrupalla estime que l’OTAN n’est actuellement pas une alliance de défense et qu’une véritable communauté de défense doit accepter et respecter les intérêts de tous les pays européens, Russie incluse. À défaut, l’Allemagne devrait s’interroger sur l’utilité de son appartenance à l’alliance.
Un parti d’extrême droite en pleine ascension
Ces déclarations interviennent alors que l’AfD est créditée de 18 à 19% des intentions de vote dans les sondages en vue des élections générales anticipées prévues le 23 février. Le parti devance ainsi les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz (16-17%) mais reste derrière le bloc conservateur CDU-CSU, en tête avec 31-32%.
Bien que les autres partis aient exclu toute coopération avec l’AfD, limitant ses chances de former un gouvernement, le parti d’extrême droite pourrait enregistrer des succès électoraux notables. Il a déjà remporté une victoire spectaculaire en Thuringe, dans l’est de l’Allemagne.
Des positions pro-russes assumées
Depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, l’AfD a vivement critiqué le soutien militaire apporté par l’Allemagne à Kiev. Le parti plaide pour une fin rapide du conflit, estimant que « la Russie a gagné cette guerre » et que « la réalité a rattrapé ceux qui prétendent vouloir rendre l’Ukraine capable de gagner ».
« Le gouvernement allemand doit enfin en arriver au point de vouloir mettre fin à la guerre »
Tino Chrupalla, co-dirigeant de l’AfD
Le dilemme d’Olaf Scholz sur le soutien à l’Ukraine
Face à ces prises de position, le chancelier Olaf Scholz se trouve dans une position délicate. S’il a promis un soutien durable à l’Ukraine, il conseille aussi la prudence, espérant capter les voix des pacifistes, particulièrement nombreux dans l’est de l’Allemagne.
Le chancelier a ainsi résisté aux appels à envoyer des missiles à longue portée que l’Ukraine pourrait utiliser pour frapper le territoire russe, craignant que l’Allemagne ne soit entraînée dans le conflit. Il a récemment eu un contact direct avec le président russe Vladimir Poutine.
Un thème central de la campagne électorale
Le conflit en Ukraine s’annonce comme l’un des principaux enjeux des élections anticipées du 23 février. Ces élections ont été convoquées après l’éclatement de la coalition gouvernementale en novembre dernier. Le chancelier Olaf Scholz a lui-même donné le coup d’envoi de la dissolution du Bundestag en déposant une demande de vote de confiance.
Dans ce contexte, les déclarations de l’AfD sur l’OTAN et la Russie ne manqueront pas de susciter de vifs débats durant la campagne. Alors que le soutien à l’Ukraine fait globalement consensus au sein de la classe politique allemande, l’émergence d’une ligne pro-russe portée par l’extrême droite bouscule les équilibres.
Les prises de position de l’AfD illustrent les défis auxquels l’Allemagne est confrontée, entre solidarité européenne, gestion de ses relations avec la Russie et réponse aux aspirations d’une partie de la population. Des enjeux complexes qui promettent une campagne électorale animée et dont l’issue pourrait avoir d’importantes répercussions sur la politique étrangère et de défense de l’Allemagne.
