Une semaine après la chute soudaine du régime de Bachar al-Assad, les Syriens découvrent progressivement l’ampleur de la répression implacable exercée pendant des décennies. Alors que les nouvelles autorités s’emploient à rassurer la population en promettant l’instauration d’un Etat de droit, l’heure est à la fois à l’euphorie et à la prise de conscience des immenses défis qui attendent le pays.
Scènes de liesse et révélations glaçantes
Dès l’annonce du renversement du régime le 8 décembre par une coalition de factions rebelles menée par le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), des scènes de joie ont éclaté à travers la Syrie. « Libre », « on n’a plus peur », « le cauchemar est fini », s’exclament des Syriens euphoriques, dont des millions avaient fui la guerre. Les statues de Bachar al-Assad et de son père Hafez sont mises à bas, leurs palais saccagés.
Mais rapidement, les révélations sur l’horreur du système Assad se multiplient. À mesure de leur avancée, les rebelles ouvrent les prisons et libèrent des détenus parfois enfermés dans des sous-sols ou derrière des murs. Des milliers de Syriens se ruent vers les anciens centres de détention et de renseignement, à la recherche de leurs proches disparus.
Témoignages glaçants d’anciens détenus
Mehmet Ertürk, un Turc libéré après 21 ans de détention, raconte: « Nos os sortaient de la chair lorsqu’ils nous frappaient les poignets à coups de marteau. Ils ont aussi versé de l’eau bouillante sur le cou d’un codétenu ». Mohammed Darwich, journaliste syrien détenu 120 jours, se souvient d’un jeune homme devenu « fou » sous la pluie de coups. « Cette cellule a été témoin de tellement de tragédies », confie-t-il.
Un vent de liberté et d’espoir
Malgré ces découvertes glaçantes, un vent de liberté souffle sur la Syrie. « La peur a disparu », se réjouit Lina al-Istaz, fonctionnaire damascène de 57 ans. « Nous avons été séparés pendant plus de 40 ans. Aujourd’hui, nous fêtons le départ de celui qui nous a divisés », s’enthousiasme Susan Soliman, venue de Tartous.
Reprise progressive d’une vie « normale »
Dimanche, les élèves damascènes ont repris le chemin de l’école, pour la première fois depuis la chute d’Assad. Les commerces rouvrent leurs portes. « Le régime est tombé mais l’Etat est debout, grâce à Dieu », positive Amjad Sandouq, commerçant du souk Hamidiyé. Peu à peu, les Syriens reprennent une vie « normale », avec l’espoir que les malheurs des dernières décennies appartiennent définitivement au passé.
Un avenir incertain et des défis titanesques
Mais les défis qui attendent la Syrie sont immenses : reconstruire un pays dévasté par près de 14 ans de guerre, redresser une économie exsangue, gérer les ingérences étrangères. Sans oublier le lourd bilan humain avec un demi-million de morts et six millions de déplacés.
Quelle transition politique ?
La communauté internationale reste par ailleurs inquiète et attentive à la manière dont la nouvelle coalition au pouvoir, dirigée par le groupe islamiste sunnite HTS, va gérer la transition. Mohammad al-Bachir, le nouveau Premier ministre chargé de la transition, a promis un Etat de droit et le respect des minorités. Mais HTS reste classé comme « terroriste » par plusieurs pays occidentaux.
Les Etats-Unis ont établi un contact direct avec HTS et d’autres parties, notamment pour localiser le journaliste américain Austin Tice, enlevé en 2012.
Antony Blinken, secrétaire d’Etat américain
La chute soudaine de Bachar al-Assad, après 50 ans de règne de la dynastie, ouvre indéniablement une nouvelle page pour la Syrie. Entre espoirs et incertitudes, euphorie et prise de conscience de l’immensité de la tâche, les Syriens veulent croire que le pire est derrière eux. L’avenir nous dira s’ils peuvent enfin aspirer à vivre en paix et en liberté, dans un pays uni et démocratique.