En visite éclair en Corse ce dimanche, le pape François a défendu une conception novatrice de la laïcité, concept fondateur et sujet sensible en France. S’exprimant devant un parterre de religieux et théologiens lors d’un congrès sur la piété populaire en Méditerranée, le souverain pontife a plaidé pour « un concept de laïcité qui ne soit pas statique et figé, mais évolutif et dynamique ». Une prise de position qui n’a pas manqué de faire réagir dans un pays où le débat sur la place de la religion dans l’espace public reste vif.
Une laïcité adaptative selon le pape
Pour le pape François, la laïcité ne doit pas être un concept rigide et immuable, mais au contraire capable de s’adapter à des situations diverses et inattendues. Il prône une « coopération constante entre les autorités civiles et ecclésiastiques pour le bien de l’ensemble de la communauté, chacune restant dans les limites de ses compétences et de son espace ». Une vision qui tranche avec certaines interprétations plus strictes de la laïcité visant à cantonner le fait religieux à la sphère privée.
Un constat sur le déclin de la foi en Europe
Le Saint-Père a admis que la question de Dieu semblait reculer en Europe, où la foi et la pratique religieuse sont en perte de vitesse, y compris en Corse qui compte pourtant 80% de catholiques. Il a cependant mis en garde contre « des analyses hâtives de ce déclin et les jugements idéologiques qui opposent parfois, encore aujourd’hui, la culture chrétienne et la culture laïque ». Un appel au dialogue et à la nuance dans un débat souvent passionné.
Des débats enflammés sur la laïcité en France
Le discours du pape intervient dans un contexte de vives polémiques autour de la laïcité en France ces dernières années. Entre partisans d’une laïcité libérale où chacun peut manifester sa foi tant qu’elle ne menace pas autrui, et défenseurs d’une laïcité universaliste visant à émanciper l’individu du religieux, les tensions sont palpables. Des controverses ont récemment éclaté sur le port de l’abaya à l’école, l’allumage de bougies de Hanouka par le grand rabbin à l’Élysée ou encore un discours d’Emmanuel Macron dans la cathédrale Notre-Dame lors de sa réouverture.
Inquiétudes sur l’instrumentalisation de la religion
Si le pape s’est réjoui de la vigueur de la piété populaire en Méditerranée, il s’est aussi alarmé des risques de dévoiement. Selon lui, elle pourrait être « contaminée par des croyances fatalistes ou superstitieuses », ou pire « instrumentalisée par des groupes qui entendent renforcer leur identité de manière polémique, en alimentant des particularismes, des oppositions, des attitudes d’exclusion ». Un message qui fait écho à la montée d’un mouvement identitaire corse, Mossa Palatina, prônant la « primauté du catholicisme » et le rejet des migrants, à l’opposé des valeurs d’accueil défendues par le pape.
Un concept de laïcité qui ne soit pas statique et figé, mais évolutif et dynamique
Pape François
Les propos du pape François en Corse ont donc ravivé un débat complexe et passionné sur la place de la religion dans la société française. En prônant une laïcité dynamique et adaptative, il invite à repenser ce concept fondateur sans pour autant remettre en cause ses principes essentiels. Une réflexion stimulante mais périlleuse dans un contexte de crispations identitaires et de montée des populismes. L’enjeu sera de trouver un équilibre subtil entre respect des croyances, liberté de conscience et valeurs républicaines. Un défi de taille pour une société française en quête de repères face aux bouleversements du monde contemporain.