Les relations entre l’Algérie et la France traversent une nouvelle zone de turbulences. Selon des informations rapportées par plusieurs médias algériens ce dimanche, l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, aurait été convoqué en urgence par le ministère des Affaires étrangères algérien. En cause : la diffusion d’un documentaire explosif accusant les services secrets français d’orchestrer un complot visant à déstabiliser l’Algérie.
Un documentaire qui met le feu aux poudres
C’est un documentaire qui risque de faire date dans l’histoire tumultueuse des relations franco-algériennes. Diffusé la semaine dernière sur la télévision d’État et la chaîne d’info AL24, il révèle comment les services de renseignement algériens auraient déjoué « un complot orchestré par les services secrets français pour déstabiliser l’Algérie ». Le documentaire donne la parole à un homme présenté comme un ex-combattant de Daech, qui affirme avoir été approché en 2022 par une association française. Celle-ci lui aurait proposé de l’argent et un soutien logistique pour commettre des attentats en Algérie.
Ces accusations très graves, portées sur les canaux officiels du pouvoir algérien, marquent un nouveau point bas dans la relation bilatérale. Les unes des journaux algériens de ce dimanche ne laissent planer aucun doute sur la tension extrême entre les deux pays : « Dernière sommation ! », titre ainsi le quotidien gouvernemental El Moudjahid, pendant que d’autres évoquent « une sévère mise en garde d’Alger » ou avertissent que « la patience a des limites ».
L’Algérie exige des explications de Paris
La convocation au ministère de l’ambassadeur français ce dimanche est un signal fort envoyé par Alger. Selon des sources diplomatiques, les autorités algériennes exigent des explications officielles de Paris sur les faits rapportés dans le documentaire. Elles attendent que la France clarifie son rôle et dément fermement toute tentative de déstabilisation.
Du côté français, c’est pour l’instant un silence embarrassé qui prévaut. Le Quai d’Orsay n’a pas réagi officiellement aux derniers développements. Mais en coulisses, on craint que cette affaire ne dégénère en une véritable crise diplomatique, dans un contexte de relations déjà dégradées entre les deux pays ces derniers mois.
Une relation bilatérale au plus bas
Car entre Paris et Alger, la confiance n’est plus au beau fixe depuis un moment déjà. Les relations se sont particulièrement tendues après la reconnaissance par la France en mars 2022 de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, un dossier ultrasensible pour l’Algérie. Depuis, les incidents diplomatiques se sont multipliés, Alger reprochant à Paris son « parti pris » dans ce conflit régional.
L’affaire du documentaire risque donc d’être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, interrogé par l’AFP, « on est clairement dans un scénario de rupture, même si les deux parties ne l’assument pas officiellement ». Selon lui, Alger veut envoyer un message très ferme à Paris, pour signifier que « la situation est grave et qu’elle exige une réaction au plus haut niveau de l’État ».
L’Algérie ne veut plus être considérée comme le pré-carré de la France. Elle veut des relations d’égal à égal, basées sur le respect mutuel et la non-ingérence.
Amel Boubekeur, sociologue spécialiste du Maghreb
Une crise profonde aux racines anciennes
Au-delà des soubresauts de l’actualité, cette crise diplomatique révèle des tensions plus profondes et anciennes entre les deux pays. 60 ans après l’indépendance, les relations franco-algériennes restent complexes et passionnelles, encore hantées par les fantômes de la colonisation et de la guerre. Des deux côtés de la Méditerranée, la rancœur et les incompréhensions persistent.
Pour l’historien Jean-Pierre Filiu, auteur de « Algérie, la nouvelle indépendance », le régime algérien actuel joue en permanence sur la corde sensible du nationalisme et de l’anti-impérialisme :
Accuser la France d’ingérence et de complot, c’est un grand classique pour faire diversion et resserrer les rangs quand le pouvoir algérien est contesté en interne. Cela marche à tous les coups.
Jean-Pierre Filiu, historien
De son côté, la France peine encore à assumer son passé colonial et à avoir un discours décomplexé sur l’Algérie. La question mémorielle reste un sujet inflammable, comme l’a montré la polémique autour des propos d’Emmanuel Macron qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité » pendant sa campagne présidentielle en 2017.
Vers une rupture consommée ?
Dans ce climat de défiance réciproque, difficile d’imaginer une désescalade rapide. D’après plusieurs observateurs, le mal est profond et les derniers événements risquent d’être un point de non-retour. À moins d’un geste fort et inattendu d’un côté ou de l’autre, beaucoup prédisent une dégradation durable des relations, voire une rupture pure et simple.
Les conséquences d’un tel scénario seraient lourdes, alors que des intérêts économiques et sécuritaires majeurs lient les deux pays. La France est le premier partenaire commercial de l’Algérie et de nombreuses entreprises françaises y sont implantées. Sur le plan géopolitique, Paris et Alger coopèrent étroitement dans la lutte contre le terrorisme et les trafics au Sahel.
Mais pour l’heure, c’est bien une logique d’affrontement qui semble l’emporter. Sauf coup de théâtre, la convocation de l’ambassadeur français ce dimanche risque de marquer une nouvelle étape dans la détérioration d’une relation bilatérale déjà bien abîmée. Reste à savoir jusqu’où les deux pays sont prêts à aller dans ce bras de fer diplomatique aux allures de dialogue de sourds.
Dans ce climat de défiance réciproque, difficile d’imaginer une désescalade rapide. D’après plusieurs observateurs, le mal est profond et les derniers événements risquent d’être un point de non-retour. À moins d’un geste fort et inattendu d’un côté ou de l’autre, beaucoup prédisent une dégradation durable des relations, voire une rupture pure et simple.
Les conséquences d’un tel scénario seraient lourdes, alors que des intérêts économiques et sécuritaires majeurs lient les deux pays. La France est le premier partenaire commercial de l’Algérie et de nombreuses entreprises françaises y sont implantées. Sur le plan géopolitique, Paris et Alger coopèrent étroitement dans la lutte contre le terrorisme et les trafics au Sahel.
Mais pour l’heure, c’est bien une logique d’affrontement qui semble l’emporter. Sauf coup de théâtre, la convocation de l’ambassadeur français ce dimanche risque de marquer une nouvelle étape dans la détérioration d’une relation bilatérale déjà bien abîmée. Reste à savoir jusqu’où les deux pays sont prêts à aller dans ce bras de fer diplomatique aux allures de dialogue de sourds.