Alors que l’industrie européenne des satellites traverse une zone de turbulences, un leader se détache avec une vision claire : Leonardo, mastodonte italien de l’aérospatial et de la défense, compte bien prendre les commandes de la nécessaire consolidation du secteur. Retour sur une stratégie ambitieuse qui pourrait redessiner le paysage industriel européen.
La consolidation, un impératif face à la compétition américaine
« Une nécessité incontournable ». C’est ainsi que Lorenzo Mariani, codirecteur général de Leonardo, qualifie la concentration du secteur européen des satellites. Dans un entretien accordé à l’AFP, il insiste sur la volonté de son groupe d’être « proactif » dans ce mouvement, vital pour faire face à la redoutable concurrence d’outre-Atlantique.
Un constat partagé par les autres géants européens Airbus et Thales, qui souffrent de la crise des satellites de télécommunication et suppriment des emplois. Pour Lorenzo Mariani, la meilleure voie à suivre serait celle de MBDA, entreprise européenne spécialisée dans les missiles, détenue conjointement par Airbus, BAE Systems et Leonardo :
Ce modèle, qui équilibre efficacité collective et respect des spécificités nationales, a fonctionné parce qu’il donnait une place équitable à toutes les nations participantes, notamment la France, l’Italie et l’Allemagne.
Lorenzo Mariani, codirecteur général de Leonardo
Un nouveau géant européen des satellites dès 2025 ?
Des « discussions actives » seraient actuellement en cours entre Leonardo, Airbus et Thales en vue d’un rapprochement. Les équipes planchent sur une nouvelle structure qui pourrait voir le jour d’ici 2025, adaptée aux besoins du marché. Si les dirigeants d’Airbus et Thales reconnaissent l’intérêt d’un tel projet, ils restent discrets sur les détails, car « le diable se cache dans les détails ».
Pour Lorenzo Mariani, l’essentiel est de proposer une offre « end-to-end », du satellite aux services associés. Le modèle actuel des co-entreprises entre Leonardo et Thales (Telespazio pour les services, Thales Alenia Space pour les infrastructures) aurait atteint ses limites. Place donc à un nouveau chapitre.
La consolidation, un impératif stratégique pour l’Europe
Au-delà de Leonardo, c’est tout le Vieux continent qui doit impérativement jouer la carte de la concentration selon Lorenzo Mariani. Un défi majeur pour rester dans la course face aux investissements massifs et ciblés des États-Unis et d’autres puissances :
L’Europe n’investit pas si peu en défense et en sécurité. Toutefois, les États-Unis et d’autres pays investissent davantage et concentrent leurs investissements sur un nombre plus restreint de plateformes. Cela donne une efficacité parfois cinq, six, huit, voire dix fois supérieure. L’Europe doit nécessairement se consolider.
Lorenzo Mariani, codirecteur général de Leonardo
Des opportunités dans l’adversité
Plutôt que de subir, Leonardo entend être un « leader proactif » dans cette recomposition à venir. Son dirigeant voit même des opportunités dans les difficultés actuelles, à l’image de la création de MBDA en période de basse conjoncture. Aujourd’hui très rentable, cette entreprise démontre que les crises peuvent être le terreau de nouveaux succès.
La pression est particulièrement forte dans le spatial, où « l’Europe peine à trouver des solutions compétitives pour l’accès à l’espace ». Pendant ce temps, SpaceX d’Elon Musk envoie des charges en orbite « à un rythme 20 à 30 fois plus élevé et à des coûts 10 à 20 fois inférieurs ». Un électrochoc salutaire pour accélérer la consolidation du secteur selon Lorenzo Mariani.
Les cartes sont sur la table, les discussions avancent. L’avenir du secteur européen des satellites est en jeu. Leonardo semble déterminé à en être un acteur clé et fédérateur. Réponse dans les mois à venir, avec en ligne de mire une nouvelle géographie industrielle à l’horizon 2025. Les défis sont immenses, mais les opportunités aussi dans un monde spatial en pleine ébullition.