ActualitésInternational

Mali, Burkina, Niger : Libre Circulation pour la Cedeao

Coup de théâtre à la veille d'un sommet crucial de la Cedeao : les juntes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger créent la surprise en annonçant un espace sans visa pour les ressortissants ouest-africains malgré leur volonté affichée de quitter l'organisation régionale...

Dans un revirement inattendu, les régimes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger, tous trois membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont annoncé la création d’un espace sans visa pour les ressortissants de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Cette décision surprenante intervient à la veille d’un sommet crucial de la Cedeao devant statuer sur la réintégration de ces pays en son sein, alors même qu’ils avaient exprimé en janvier dernier leur volonté de quitter l’organisation régionale.

L’AES ouvre ses frontières malgré les tensions avec la Cedeao

Selon un communiqué signé par le général Assimi Goïta, président en exercice de l’AES, « la Confédération des Etats du Sahel est un espace sans visa pour tout ressortissant des Etats membres de la Cedeao ». Concrètement, ces derniers « ont le droit d’entrer, de circuler, de résider, de s’établir et de sortir sur le territoire des Etats membres de l’AES dans le respect des textes nationaux en vigueur ». Cette mesure s’applique également aux véhicules immatriculés dans un pays de la Cedeao.

Cette annonce fait suite à une autre déclaration la veille jugeant « irréversible » le retrait prochain de l’AES de la Cedeao. Les ministres des trois pays ont en effet réaffirmé leur intention de quitter l’organisation, tout en appelant à « poursuivre les réflexions visant à convenir des modalités de sortie dans l’intérêt des populations ». Un divorce qui devrait être effectif en janvier 2025, un an après sa notification officielle conformément aux textes de la Cedeao.

Un geste d’ouverture à l’approche d’un sommet décisif

Ce geste d’ouverture de l’AES envers les citoyens ouest-africains à la veille du sommet de la Cedeao prévu ce dimanche à Abuja au Nigeria n’est pas anodin. Il intervient alors que l’organisation régionale a déployé d’intenses efforts diplomatiques ces derniers mois pour tenter d’éviter une rupture définitive avec les trois pays sahéliens. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, nommé médiateur en juillet, avait fait état en début de semaine de progrès dans cette mission de la dernière chance.

La crise entre l’AES et la Cedeao s’est cristallisée après le coup d’Etat au Niger en juillet 2023, le sixième putsch dans la région en trois ans. Face à la prise de pouvoir des militaires à Niamey, la Cedeao avait brandi la menace d’une intervention armée et imposé de lourdes sanctions économiques, finalement levées depuis. Mais les juntes au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey accusent l’organisation d’être inféodée à la France et estiment qu’elle ne les a pas suffisamment soutenus face aux violences jihadistes qui ensanglantent leurs pays.

L’AES tisse sa toile en se tournant vers d’autres partenaires

Décidées à s’émanciper de l’influence jugée néfaste de l’ancienne puissance coloniale, les autorités des trois pays sahéliens ont opéré un rapprochement spectaculaire avec la Russie, perçue comme un partenaire plus « sincère ». Une alliance qui inquiète les chancelleries occidentales, qui y voient la main de Moscou cherchant à étendre son influence en Afrique en surfant sur le ressentiment antifrançais.

En parallèle, les pays de l’AES multiplient les initiatives pour renforcer leur intégration et poser les jalons de leur confédération naissante. Plusieurs mesures symboliques ont ainsi été annoncées, comme la fin des frais d’itinérance pour les communications téléphoniques entre les trois pays ou l’harmonisation à terme des documents de voyage et d’identité. Reste la question épineuse de la monnaie, le franc CFA étant toujours en vigueur bien que son abandon ait été évoqué.

Entre fermeté et main tendue, la Cedeao cherche une issue à la crise

Face à ce front uni et déterminé, la marge de manoeuvre de la Cedeao apparaît étroite. Tiraillée entre la nécessité de défendre ses principes démocratiques face à la multiplication des coups de force militaires et le souci de maintenir la cohésion et la stabilité régionales, l’organisation joue une partition délicate. Le sommet d’Abuja constituera un test majeur de sa capacité à surmonter ses divisions internes pour définir une ligne commune.

Si la présence des dirigeants de l’AES est plus qu’incertaine, leur décision d’ouvrir leurs frontières apparaît comme un geste de bonne volonté à même de faciliter la reprise du dialogue. Une main tendue que la Cedeao pourrait avoir intérêt à saisir pour éviter une rupture lourde de conséquences et garder un canal de communication avec les nouveaux maîtres de Bamako, Ouagadougou et Niamey. L’avenir dira si ce pari de l’apaisement portera ses fruits, sur fond de jeu d’influence entre puissances régionales et internationales.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.