Finie l’époque des lions rugissants et des éléphants se dressant majestueusement sur leurs pattes arrière sous les chapiteaux colorés. Terminés les spectacles aquatiques mettant en scène les impressionnantes pirouettes des orques. La France s’apprête à tourner une page de son histoire, celle des spectacles mettant en vedette des animaux sauvages. Mais cette transition, bien qu’saluée par les défenseurs de la cause animale, ne se fait pas sans remous ni situations inattendues.
La loi qui change la donne
Adoptée le 30 novembre 2021, la loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale prévoit notamment l’interdiction progressive des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums. D’ici 2028, lions, tigres, éléphants, hippopotames, ours, loups, orques et dauphins ne pourront plus être exhibés sur les pistes ou dans les bassins à des fins de divertissement. Une révolution pour un secteur qui faisait pourtant depuis longtemps partie du paysage culturel français.
Il est grand temps de remettre en question nos rapports avec les animaux sauvages et de leur offrir une vie plus respectueuse de leurs besoins naturels.
Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique
Mais au-delà des prises de position de principe, la mise en application concrète de ce texte s’annonce complexe. Comme souvent, le diable se cache dans les détails. Et certaines situations pour le moins insolites en découlent déjà.
Quand la loi crée des situations ubuesques
Prenons l’exemple de Marineland, le célèbre parc marin d’Antibes. Conformément à la nouvelle législation, la direction a annoncé la fermeture définitive de ses delphinariums en 2028. Mais que faire des orques et dauphins qui y vivent actuellement ? Les relâcher dans la nature n’étant pas envisageable pour ces animaux nés en captivité, il a été décidé de les transférer vers d’autres parcs en Europe, où les spectacles aquatiques restent autorisés. Un joyeux paradoxe.
Même casse-tête pour les cirques itinérants. Si certains ont déjà amorcé leur mue en se séparant de leurs animaux sauvages, d’autres se retrouvent face à un véritable défi logistique. Comment continuer à tourner avec des animaux dont la présence sur les routes de France sera bientôt prohibée ? Mystère et boule de gomme.
Au-delà des clivages, un changement de mentalité
Pourtant, malgré ces difficultés, force est de constater que le vent a tourné. Selon un sondage IFOP, 72% des Français sont favorables à l’interdiction progressive des animaux sauvages dans les cirques. Preuve que les mentalités ont évolué et que le bien-être animal est devenu une préoccupation majeure dans l’opinion publique.
Reste maintenant aux professionnels du secteur à se réinventer. Certains ont déjà sauté le pas, à l’image du Cirque Arlette Gruss qui propose désormais un spectacle 100% humain, mêlant prouesses acrobatiques, numéros de clowns et poésie visuelle. D’autres misent sur les animaux holographiques, à mi-chemin entre prouesse technologique et féerie onirique. Les arts du cirque n’ont pas fini de nous émerveiller.
Vers une nouvelle ère pour les parcs animaliers ?
Du côté des parcs zoologiques aussi, on s’adapte. Si la loi ne les concerne pas directement, beaucoup ont conscience que l’heure n’est plus aux animaux dressés évoluant dans des enclos bétonnés. Le bien-être des pensionnaires est devenu un argument marketing de poids. Vastes plaines rappelant les habitats naturels, enrichissement du milieu, programmes de conservation… Les zoos se réinventent en vitrines des merveilles de la biodiversité.
Notre mission aujourd’hui est de sensibiliser le public à la beauté et la fragilité du monde sauvage. Les animaux sont nos meilleurs ambassadeurs pour porter ce message.
Pierre Caille, directeur du Zoo de Beauval
Ainsi, entre situations burlesques et prise de conscience collective, le monde du spectacle animalier vit une véritable révolution culturelle. Une page se tourne, non sans quelques grincements. Mais le mouvement semble bel et bien enclenché, porté par une opinion publique en quête d’une relation plus éthique et responsable avec les animaux.
Les animaux sauvages ont-ils encore leur place sur scène à l’heure de la 6ème extinction de masse ? La question mérite d’être posée. Une chose est sûre : pour le meilleur ou pour le pire, le rideau est en train de tomber sur les spectacles d’un autre temps. Place au cirque réinventé, aux zoos nouvelle génération, à une autre manière de s’émerveiller du spectacle de la vie. En coulisses, les animaux sauvages pourront enfin redevenir acteurs de leur existence. Et ça, c’est peut-être le plus beau numéro qui soit.