C’est un véritable coup de théâtre qui s’est produit ce vendredi dans les coulisses du pouvoir. Selon une source proche de l’Élysée, le président Emmanuel Macron a nommé son fidèle allié centriste François Bayrou au poste de Premier ministre. Cette décision survient au terme d’intenses consultations menées pour trouver un successeur à Michel Barnier, renversé la semaine dernière par une motion de censure historique à l’Assemblée nationale.
Une nomination qui suscite déjà des réactions
L’annonce de la nomination de François Bayrou n’a pas tardé à faire réagir la classe politique. Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), a déclaré qu’il n’y aurait « pas de censure a priori » de la part de son groupe, dont les voix avaient contribué à faire tomber le gouvernement précédent. Une position qui laisse entrevoir une possible conciliation avec le nouveau locataire de Matignon.
En revanche, le parti La France insoumise (LFI) a d’ores et déjà fait savoir par la voix de ses dirigeants qu’il voterait la censure de François Bayrou, au motif que celui-ci n’est pas issu de la gauche. « Nous déposerons une motion de censure », a prévenu le coordinateur du mouvement Manuel Bompard, fustigeant un « bras d’honneur à la démocratie ».
Un proche de Macron aux commandes
Âgé de 73 ans, François Bayrou n’est pas un novice en politique. Président du MoDem, parti centriste qu’il a lui-même fondé, il est un soutien de la première heure d’Emmanuel Macron. Sa nomination fait de lui le sixième Premier ministre du quinquennat, et le 28e de la Ve République.
Cette personnalité expérimentée et consensuelle aura fort à faire pour constituer un gouvernement à même de résister aux assauts des oppositions, et surtout pour faire adopter un budget 2025 dans un contexte économique et social tendu. L’échec de son prédécesseur sur le projet de budget de la Sécurité sociale est encore dans tous les esprits.
Les chantiers prioritaires qui attendent Bayrou
En nommant François Bayrou, Emmanuel Macron mise sur un homme de dialogue et de compromis pour tenter de sortir de l’ornière. Parmi les dossiers brûlants qui l’attendent, on peut citer :
- L’élaboration d’un projet de loi de finances pour 2025 qui devra concilier maîtrise des dépenses publiques et préservation du modèle social français, le tout avec une dette publique record.
- La relance du projet de réforme des retraites, sujet hautement inflammable mis entre parenthèses après le recours au 49.3.
- La gestion des crises multiples qui agitent le pays, de la sécheresse aux émeutes urbaines en passant par l’inflation et les pénuries.
« Je mesure l’immensité de la tâche qui m’attend et la responsabilité qui est la mienne. Je m’efforcerai d’être à la hauteur de la confiance placée en moi par le président de la République et nos concitoyens »
a déclaré François Bayrou peu après sa nomination.
Un pari risqué pour Macron ?
Si le choix de François Bayrou apparaît comme un geste d’ouverture et de main tendue, il n’est pas sans risque pour Emmanuel Macron. En cas d’échec du nouveau Premier ministre à trouver une majorité et à faire passer ses réformes, c’est toute la fin du quinquennat qui pourrait être compromise.
D’autant que le président ne dispose plus de la « botte secrète » du 49.3 qu’il a dégainée à de multiples reprises pour faire passer en force des textes contestés. Cette fois, il devra obligatoirement composer avec une Assemblée nationale morcelée et frondeuse où son camp ne dispose plus de majorité absolue.
François Bayrou va donc devoir déployer des trésors de persuasion et de négociation pour tenter de bâtir des coalitions au cas par cas, texte par texte. Une gageure dans un climat politique électrique, où chaque camp semble campé sur ses positions. Le centriste, rompu aux compromis, a-t-il les épaules assez larges pour réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ?
Les Français dans l’expectative
De leur côté, les Français observent ce énième remaniement avec une certaine lassitude teintée de scepticisme. Beaucoup doutent de la capacité de ce gouvernement, fût-il mené par un politique chevronné, à répondre à leurs préoccupations quotidiennes.
Selon un récent sondage, près de 7 Français sur 10 se disent inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. Une cote de confiance au plus bas qui illustre la perte de crédibilité de l’exécutif et le divorce croissant entre gouvernants et gouvernés.
Dans ce contexte, la nomination de François Bayrou sera-t-elle à même de redonner un peu d’espoir et de sérénité aux citoyens ? Le nouveau Premier ministre n’a en tout cas pas le droit à l’erreur. Il joue sans doute là l’une des dernières cartes d’un quinquennat mal embarqué, à moins de deux ans d’une échéance présidentielle qui s’annonce d’ores et déjà incertaine.
Les prochaines semaines s’annoncent donc cruciales et riches en rebondissements sur le front politique. Emmanuel Macron et François Bayrou vont devoir redoubler d’efforts et d’inventivité pour tenter de renouer le dialogue avec des oppositions revanchées et une opinion dubitative. Un véritable chemin de croix en perspective, dont l’issue est plus qu’incertaine.