C’est une plaidoirie qui a fait l’effet d’une bombe au procès des viols en série jugé actuellement à Avignon. Malgré la gravité des faits reprochés et des preuves vidéos a priori accablantes, les avocats de la défense n’ont pas hésité à prononcer le « mot tabou » : acquittement. Une prise de position choc qui a suscité l’incompréhension des parties civiles et la colère des manifestants.
Les avocats tentent de démontrer l’absence d' »intention criminelle »
Tout au long de ces trois jours de plaidoiries, les différents avocats des accusés ont déroulé la même stratégie pour tenter d’obtenir l’acquittement de leurs clients. Selon eux, ces hommes venus à de multiples reprises au domicile du couple Pelicot pour avoir des relations sexuelles avec l’épouse droguée à son insu, n’avaient pas « l’intention de commettre un viol« . Ils auraient été « manipulés » par Dominique Pelicot, présenté comme un « génie de la perversion« , au point que leur « discernement » en aurait été « aboli« .
Et donc voilà encore un crétin qui commet un crime et accepte d’être filmé ?
Me Caroline Beveraggi, avocate d’un des accusés
Pour appuyer cette thèse, les avocats ont mis en avant le scénario élaboré par Dominique Pelicot pour attirer ses futures victimes : un couple échangiste à la recherche d’un homme. Des hommes qui, une fois sur place, auraient été « à mille lieues d’imaginer être en présence du plus grand pervers de la décennie« . Certains ont en effet réagi quand ils ont compris que Mme Pelicot était droguée, en prenant leurs affaires pour partir, preuve selon la défense qu’il y a eu « erreur sur la personne« .
Des réquisitions « déraisonnables et injustes » pour la défense
Face à ces plaidoiries, l’avocat général a requis des peines allant de 10 à 18 ans de réclusion criminelle contre les différents accusés, en fonction de leur degré d’implication. Des réquisitions jugées « déraisonnables, incohérentes et surtout injustes » par la défense, dénonçant un « deux poids deux mesures » avec Dominique Pelicot, le principal accusé qui encourt 20 ans.
Pour Me Louis-Alain Lemaire, qui défend quatre accusés, ces hommes n’ont été que les « instruments » de Dominique Pelicot. Celui-ci est décrit comme un « manipulateur hors pair« , capable d’avoir trompé sa femme pendant 10 ans. Il aurait également pu berner ces hommes en leur faisant croire au scénario du couple échangiste, abolissant leur discernement. Sans intention criminelle, un acquittement s’impose donc selon lui.
Vers un verdict sous haute tension
En réclamant avec insistance l’acquittement, parfois contre l’avis de leurs propres clients qui ont reconnu un viol, les avocats ont fait le pari risqué de heurter l’opinion publique. Ils dénoncent une affaire jugée sous pression de la « vox populi« , alors que des manifestants ont collé des affiches « 20 ans pour tous » sur les murs d’Avignon.
Après ces plaidoiries coup de poing, le verdict très attendu sera rendu d’ici une semaine, aux alentours du 20 décembre. Dans ce procès hors norme par son ampleur et sa médiatisation, les juges devront déterminer le degré de responsabilité de chacun des accusés. Ont-ils été victimes d’une manipulation ayant aboli leur discernement ou doivent-ils assumer pleinement leurs actes ? La décision, quelle qu’elle soit, fera date et ne manquera pas de faire réagir.