Un tribunal néerlandais a prononcé une condamnation rare et lourde de sens ce mercredi. Hasna A., une ressortissante des Pays-Bas âgée de 33 ans, a été condamnée à 10 années de réclusion pour avoir réduit en esclavage une femme yézidie alors qu’elle avait rejoint les rangs de l’organisation État islamique (EI) en Syrie. Cette décision de justice marque une étape importante dans la reconnaissance des crimes commis à l’encontre de la minorité yézidie durant le règne de l’EI.
Une Condamnation pour Crime Contre l’Humanité
Le tribunal de La Haye a reconnu Hasna A. coupable de plusieurs chefs d’accusation, dont l’esclavage, l’appartenance à une organisation terroriste, la promotion de crimes terroristes et la mise en danger de son jeune fils. Mais c’est la réduction en esclavage d’une femme yézidie qui a été qualifiée de crime contre l’humanité par la cour, au vu du contexte de persécution « généralisée et systématique » subie par cette minorité kurdophone dans les zones contrôlées par l’EI.
Le Calvaire des Yézidis Sous l’EI
Les Yézidis, adeptes d’une religion pré-islamique, ont en effet vécu un véritable enfer dans le soi-disant « califat » de l’EI entre 2014 et 2019. Viols, enlèvements, esclavage sexuel, traitements inhumains… Les jihadistes considéraient les Yézidis comme des « adorateurs du diable » et des cibles légitimes pour leurs exactions. Des milliers de femmes et d’enfants ont été réduits en esclavage durant cette sombre période.
Une Néerlandaise Complice de l’Esclavage
En 2015, six mois après la proclamation du « califat », Hasna A. avait fait le choix de rejoindre les rangs de l’EI en Syrie, emmenant avec elle son fils de 4 ans. Sur place, elle a épousé un combattant de l’organisation terroriste et donné naissance à d’autres enfants. Mais c’est sa complicité dans l’esclavage d’une femme yézidie qui lui a valu sa condamnation.
Selon le tribunal, la Néerlandaise a vécu pendant un certain temps dans la maison d’un autre combattant de l’EI qui détenait une esclave yézidie. Non seulement Hasna A. n’a rien fait pour améliorer le sort de cette femme réduite en esclavage, mais elle lui a elle-même donné des ordres pour des tâches ménagères et la garde de son fils. Des actes rendant Hasna A. complice de ce système d’esclavage mis en place par l’EI.
Un Procès Après le Rapatriement
Hasna A. faisait partie d’un groupe de 12 femmes néerlandaises et leurs 28 enfants rapatriés en novembre 2022 d’un camp de prisonniers en Syrie. Dès leur arrivée aux Pays-Bas, ces femmes ayant rejoint l’EI ont été arrêtées et inculpées, soupçonnées de divers crimes terroristes.
Ce procès est l’un des premiers du genre en Europe à condamner une femme de l’EI pour crime contre l’humanité. Il pourrait faire jurisprudence et ouvrir la voie à d’autres condamnations du même type à l’encontre de jihadistes rapatriés.
Une Étape Vers la Reconnaissance des Crimes Contre les Yézidis
Au-delà du cas individuel de Hasna A., ce verdict revêt une portée symbolique forte. Il contribue à faire reconnaître les terribles souffrances infligées aux Yézidis et la complicité de tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, au système d’esclavage et de persécution mis en place par l’EI.
« L’esclavage des Yézidis était un élément central du génocide perpétré par l’EI. Chaque condamnation pour ces crimes est une victoire dans la quête de justice des survivants »
– Déclaration d’une ONG de défense des droits humains
De nombreuses voix s’élèvent pour que les crimes contre les Yézidis soient pleinement reconnus et que leurs bourreaux soient traduits devant la justice internationale. Le combat est loin d’être terminé, avec encore des milliers de Yézidis portés disparus. Mais chaque procès, chaque condamnation, est un pas de plus vers la vérité, la justice et peut-être un jour la reconstruction pour ce peuple meurtri.
Le procès de Hasna A. aux Pays-Bas n’est qu’une pierre à l’édifice, mais il a valeur d’exemple. Exemple de la détermination à poursuivre les crimes de l’EI, où qu’ils aient été commis et par qui ils l’ont été. Exemple aussi de la nécessité de ne pas fermer les yeux sur le sort des minorités persécutées, en Syrie, en Irak comme ailleurs. Car reconnaître leur souffrance est le premier pas vers sa réparation.