Le vent du changement souffle sur la Syrie. La chute soudaine de Bachar el-Assad, après plus d’une décennie de guerre civile sanglante, rebat les cartes dans toute la région. Au milieu de ce maelström géopolitique, la France hausse le ton envers Israël, l’appelant à se retirer de la zone tampon du plateau du Golan, territoire syrien annexé par l’État hébreu.
Paris exige le respect de la souveraineté syrienne
Selon le Quai d’Orsay, tout déploiement militaire israélien dans cette zone sensible constituerait « une violation de l’accord sur le désengagement de 1974 » entre la Syrie et Israël. La diplomatie française martèle que cet accord doit être respecté par ses signataires, insistant sur la nécessité de préserver « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie ».
Cette prise de position ferme intervient alors que les frappes israéliennes en Syrie et l’incursion de Tsahal près du Golan occupé sont jugées « sans fondement au regard du droit international » par des experts onusiens. Pour eux, le concept de « désarmement préventif » brandi par Israël ouvre une boîte de Pandore menaçant la stabilité mondiale.
Israël réfute les accusations, redoute un « front oriental »
De son côté, le ministre israélien de la Défense balaie les accusations iraniennes imputant la chute d’Assad à une manigance américano-sioniste. Il accuse au contraire Téhéran de vouloir établir un « front oriental » menaçant à la frontière jordanienne, par le truchement des milices chiites qu’il parraine en Syrie et au Liban.
Moscou appelle à une stabilisation rapide
La Russie, principal soutien du régime Assad avec l’Iran, change aussi son fusil d’épaule. Le Kremlin dit souhaiter « une situation stabilisée au plus vite », condamnant les frappes israéliennes comme un facteur de déstabilisation supplémentaire. Moscou affirme d’ailleurs être en contact avec les nouvelles autorités syriennes pour préserver ses intérêts stratégiques, ses bases navales et aériennes dans le pays.
L’ONU plaide pour une transition inclusive
Dans ce contexte volatil, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie appelle de ses vœux une transition « inclusive » pour éviter une « nouvelle guerre civile ». Un défi de taille alors que le pays est exsangue après une décennie de conflit, et que les rebelles aux commandes à Damas doivent relever l’immense défi de la reconstruction.
Outre la France, d’autres pays européens montent aussi au créneau. L’Allemagne exhorte ainsi la Turquie et Israël à ne pas compromettre le fragile processus de transition par des actions unilatérales. Berlin craint qu’Ankara ne profite du chaos pour lancer une nouvelle offensive contre les forces kurdes dans le nord syrien.
Un exode massif de réfugiés redouté
L’enjeu des réfugiés syriens, justement, n’est pas des moindres. Ils sont plusieurs millions, au Liban, en Jordanie, en Turquie, à espérer un retour au pays si un semblant de normalité s’installe. Mais les dossiers de réinstallation s’accumulent déjà dans les chancelleries européennes, avec plus de 100 000 demandes de protection en attente, rien que pour l’UE.
Beaucoup attendent de voir comment la situation va évoluer en Syrie pour décider de rentrer ou non. C’est une épée de Damoclès au-dessus de l’Europe, déjà confrontée à la question migratoire.
– souligne un diplomate européen
La chute d’Assad est donc loin d’être la fin de l’histoire. C’est un tournant majeur, certes, mais qui comporte son lot de dangers et d’inconnues. La transition syrienne sera scrutée de près par toutes les chancelleries, tant les enjeux géopolitiques, sécuritaires et humanitaires sont immenses. Une nouvelle ère s’ouvre pour la Syrie et pour tout le Moyen-Orient. Reste à savoir si elle sera celle de la paix et de la reconstruction, ou celle de nouveaux déchirements.
Vers une Syrie en quête de stabilité ?
Les mois à venir seront décisifs. Les rebelles au pouvoir promettent une transition démocratique, une amnistie (sauf pour les crimes les plus graves), une lutte implacable contre la corruption. Ils auront fort à faire pour convaincre une population meurtrie par la guerre et les privations.
Il faudra aussi rassurer les minorités, en premier lieu les Alaouites du clan Assad mais aussi les Chrétiens et les Druzes, sur leur place dans la Syrie post-Assad. La question kurde sera un autre défi, entre les aspirations autonomistes de ce peuple et les velléités interventionnistes de la Turquie.
Sur le plan diplomatique, la Syrie devra retrouver sa place dans le concert des nations arabes et rééquilibrer ses relations avec les puissances régionales et mondiales. Un exercice d’équilibriste qui demandera doigté et détermination aux nouveaux maîtres de Damas.
En attendant, la communauté internationale retient son souffle, oscillant entre espoir et inquiétude. La Syrie émerge lentement d’un long cauchemar. Mais le chemin vers la paix et la stabilité s’annonce encore long et semé d’embûches. L’histoire tourmentée de ce pays n’a pas fini de s’écrire.