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La BCE envisage d’accélérer les baisses de taux face aux incertitudes

Pressée par les nuages qui s'accumulent sur l'économie, la BCE envisage d'accélérer ses baisses de taux. Quels seront les impacts de ce virage monétaire ? Analyse des enjeux pour la zone euro...

Alors que les nuages s’amoncellent sur l’économie européenne, la Banque centrale européenne (BCE) est tentée d’appuyer sur l’accélérateur. Lors de sa prochaine réunion ce jeudi, l’institution de Francfort pourrait annoncer une baisse plus marquée que prévu de ses taux directeurs, pour tenter de soutenir la croissance tout en maîtrisant l’inflation. Un exercice d’équilibriste délicat, qui soulève de nombreuses interrogations.

Un dilemme cornélien pour la BCE

Depuis plusieurs mois, la BCE est confrontée à un dilemme de taille. D’un côté, l’inflation reste élevée en zone euro, malgré un reflux récent. Les derniers chiffres font état d’une hausse des prix de 5,3% sur un an en juillet. Bien qu’en net recul par rapport aux pics enregistrés fin 2022, cela reste très au-dessus de l’objectif de 2% visé par la BCE. Pour endiguer cette spirale, un resserrement monétaire est traditionnellement préconisé.

Mais dans le même temps, les indicateurs économiques virent au rouge les uns après les autres, faisant craindre une récession. La croissance du PIB a stagné au 2ème trimestre, tandis que la production industrielle et les indicateurs avancés sont mal orientés. Le spectre de la stagflation, qui combine croissance atone et inflation élevée, refait surface. Pour relancer l’activité, des taux bas seraient plus appropriés.

Le précédent resserrement n’a pas suffi

Pour tenter de concilier ces objectifs contradictoires, la BCE avait amorcé un resserrement mesuré. Son taux de dépôt, qui fait référence sur le marché, était ainsi passé de 0% à 4,25% entre juillet 2022 et mai 2023. Une remontée spectaculaire, mais jugée nécessaire face au niveau d’inflation.

Mais en juin, un changement de cap s’est opéré, avec une première baisse d’un quart de point qui a surpris les marchés. Une décision justifiée par les craintes grandissantes sur la croissance. Quelques semaines plus tard, le dilemme reste entier pour la BCE, confrontée à des arbitrages complexes qui suscitent des divergences en interne.

La situation actuelle place la BCE face à un choix cornélien entre soutien à la croissance et lutte contre l’inflation. Un équilibre très difficile à trouver.

Carsten Brzeski, économiste chez ING

Le scénario d’une « double baisse » se précise

Selon plusieurs sources proches des discussions, la BCE pencherait désormais pour une baisse plus franche de ses taux en septembre. Au lieu des 25 points de base (0,25%) envisagés initialement, elle pourrait annoncer une réduction de 50 points de base (0,50%). Son taux de dépôt passerait ainsi de 3,25% à 2,75%.

Ce scénario d’une « double baisse » permettrait d’envoyer un signal fort de soutien à l’économie, en rendant le crédit moins cher. La BCE espère ainsi favoriser l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. Un pari risqué, car une baisse trop rapide des taux pourrait relancer l’inflation si la demande repart trop vite.

Les prévisions seront scrutées de près

Au-delà de sa décision sur les taux, les investisseurs seront très attentifs aux nouvelles prévisions économiques dévoilées par la BCE jeudi. Celles-ci donneront de précieuses indications sur la façon dont l’institution anticipe l’évolution de la croissance et de l’inflation dans les prochains mois.

Si les prévisions de croissance sont fortement révisées à la baisse et celles d’inflation à la hausse, cela renforcerait la probabilité d’une action plus marquée sur les taux. À l’inverse, des anticipations moins dégradées sur ces deux tableaux pourraient inciter la BCE à la prudence. Le détail de ces projections sera donc disséqué par les marchés.

Des risques géopolitiques toujours présents

La BCE ne peut pas non plus ignorer les risques géopolitiques qui pèsent sur l’économie européenne. Au premier rang desquels figure la guerre en Ukraine, qui continue d’affecter les chaînes d’approvisionnement et de renchérir le coût de l’énergie. Une escalade du conflit pourrait anéantir les espoirs de reprise.

Les tensions commerciales sino-américaines restent aussi un facteur d’incertitude. Tout comme la situation budgétaire délicate de certains pays très endettés de la zone euro comme l’Italie, qui pourraient souffrir d’une remontée trop brutale des taux. Autant d’éléments qui plaident pour une approche prudente et progressive de la BCE.

Le cap à suivre pour la BCE

  • Surveiller l’évolution de l’inflation sous-jacente
  • Monitorer de près les indicateurs avancés (enquêtes, etc)
  • Agir de façon mesurée, sans mouvements trop brutaux
  • Faire preuve de flexibilité pour s’adapter à un contexte fluctuant

En définitive, la BCE est confrontée à un exercice périlleux, prise en étau entre une inflation encore trop élevée et une croissance qui vacille. Si une accélération des baisses de taux semble se profiler pour septembre, l’institution aura fort à faire pour piloter la politique monétaire dans les prochains mois, sur un chemin de crête étroit.

Les annonces de ce jeudi constituent donc une étape importante, mais le véritable défi sera d’adapter la trajectoire des taux en temps réel en fonction des soubresauts économiques à venir. Un sacré défi pour la gardienne de l’euro, qui navigue en eaux troubles.

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