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Rituel de gouvernance du Royaume Bamoun reconnu par l’Unesco

Au cœur du Cameroun, le procès rituel du roi des Bamoun vient d'être inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco. Plongez dans ce rite séculaire où le souverain est jugé par son peuple, un moment fort en émotions et en couleurs. Mais le royaume réclame aussi...

Silence ! Les mystérieuses silhouettes enveloppées de jaune des membres de la société secrète Moungouo pénètrent dans la cour d’apparat de Foumban, capitale historique du royaume Bamoun au Cameroun. A l’arrivée de leur juge suprême, les imposantes « lances de la justice » sont plantées dans le sol. Le jeune roi Mouhammad Nabil Mfourifoum Mbombo Njoya, 20ème sultan des Bamoun, quitte son trône pour redevenir un sujet comme un autre, le temps de son procès rituel. Un moment fort de la 548ème édition du « Nguon », grand rendez-vous traditionnel de ce royaume fondé en 1384, désormais inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco.

Un roi face à son peuple

Dignitaires et touristes ont afflué pour assister à cet événement exceptionnel qui ne s’était pas tenu depuis 6 ans. Pour le jeune roi intronisé en 2021 à 28 ans, c’est une première. Face aux critiques parfois sévères mais pleines d’humour des députés du peuple, les « Fonanguon », il doit prouver sa légitimité. Un vrai renversement des rôles apprécié par les spectateurs :

J’ai adoré ce renversement de rôle, le roi est jugé par son peuple, et les critiques étaient plutôt sévères, j’étais surpris. Il y avait aussi beaucoup d’humour, cela démontre un vrai amour entre le roi et son royaume.

Roly Allen, touriste britannique

Malgré les reproches, le roi a réussi à gagner l’approbation de ses sujets. Son maintien à la tête du royaume est célébré par des tirs de fusil.

Une fierté pour les Bamoun

Pour les habitants de Foumban, ce rituel est l’occasion de transmettre leur culture aux plus jeunes et de renforcer leur identité :

Je suis très fier d’être Bamoun, ce sont des moments qui permettent d’apprendre notre culture et de la transmettre à nos enfants.

Amadou Njoya, 21 ans, natif de Foumban

D’après une source proche du palais, le roi est vu comme « un grand combattant qui lutte pour la préservation de la culture ». Un combat d’autant plus crucial que le royaume a perdu certains de ses trésors, emportés en Europe à l’époque coloniale.

Le difficile retour des objets sacrés

Car il manque au royaume son « vrai trône », le Mandu Yene, exposé au musée Humbolt-Forum de Berlin après avoir été transféré du Cameroun sous la colonisation allemande. Lors d’une visite remarquée en 2023, le jeune sultan s’y est assis, bravant le règlement, pour marquer son attachement à cet héritage. Seule une réplique a pu être utilisée pendant les cérémonies du Nguon.

Autre exemple : dans le village de Mangé-Koutou, un couple de masques rituels a été séparé, le masque mâle ayant été « trafiqué » à l’époque coloniale pour se retrouver au Quai Branly à Paris. Partout, des pans entiers du patrimoine Bamoun manquent à l’appel.

Le royaume ne baisse pas les bras pour autant. L’inauguration en avril d’un grand musée pouvant accueillir des milliers d’objets est un symbole fort. D’après Alexis Njivah Mouliom de la fondation Nguon, la reconnaissance de l’Unesco pourrait servir à « renforcer le lobbying pour le retour du trône ». Un espoir de voir enfin les trésors Bamoun retrouver leur terre d’origine pour les prochaines cérémonies rituelles.

Le Cameroun, une mosaïque de cultures vivantes

Au-delà des Bamoun, le Cameroun compte plus de 200 ethnies aux coutumes et langues différentes, ainsi que de nombreux royaumes et chefferies traditionnelles. Malgré la modernité, l’attachement à ces structures coutumières reste fort pour une grande partie de la population.

Le pays s’efforce de préserver ce riche héritage immatériel, comme en témoigne le classement du Nguon à l’Unesco. Un défi de taille alors que la globalisation et l’exode rural menacent de nombreuses traditions. Mais grâce à l’engagement des communautés et la transmission aux jeunes générations, des rituels comme le procès des rois Bamoun ont encore de beaux jours devant eux. De quoi perpétuer l’identité unique de ce royaume africain millénaire, malgré les vicissitudes de l’Histoire.

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