En cette année 2024 qui marque le centenaire de la mort de Franz Kafka, il est temps de rendre hommage à cet écrivain tchèque d’expression allemande dont l’œuvre unique a laissé une empreinte indélébile sur la littérature mondiale. Au cœur de son génie créatif se trouve sa langue, un art de l’esquisse qui lui est propre. Plongeons ensemble dans les secrets de ce style d’écriture fascinant.
Une sobriété linguistique remarquable
Ce qui frappe d’emblée dans la langue de Kafka, c’est son extrême sobriété. Fils d’un père tchèque et d’une mère allemande, il choisit d’écrire dans la langue maternelle, celle aussi de l’administration. Ses termes sont simples, faciles à comprendre, neutres en apparence. Pourtant, derrière cette apparente simplicité se cachent des phrases polysémiques, riches de sens multiples.
En étudiant ses manuscrits, on constate que Kafka procède à un véritable travail d’épure dans le flux même de l’écriture. Comme le souligne Florence Bancaud, spécialiste de son œuvre :
Durant sa grande phase de création, de 1909 à 1924, il enlève de ses textes les hyperboles, les métaphores, tout ce qui est de l’ordre de la surcharge, pour garder des phrases en apparence assez neutres mais qui en réalité sont très polysémiques.
– Florence Bancaud, universitaire
Flaubert et Kleist, maîtres d’écriture
Si Kafka tend vers une esthétique de la pureté à la manière de Goethe, qu’il considère comme un idéal inégalable, il puise son inspiration chez d’autres grands noms de la littérature. Bouvard et Pécuchet et L’Éducation sentimentale de Flaubert sont ses livres de chevet. On retrouve dans son écriture cette alliance unique entre fantastique et réalisme propre à l’auteur français.
Autre maître revendiqué : l’allemand Kleist, génial nouvelliste qui conçoit ses récits comme des organismes parfaitement achevés et construits. Un idéal que Kafka fait sien, même si nombre de ses textes resteront à l’état d’esquisse.
L’art de l’esquisse, entre rêve et réalité
C’est la nuit que Kafka écrit, dans un état de demi-sommeil propice aux images oniriques qu’il tente de coucher sur le papier. Au matin, il se retrouve parfois avec une œuvre achevée, comme Le Verdict, sa première nouvelle écrite d’une traite. Mais souvent, l’inspiration le fuit en cours de route, laissant des textes inachevés, à l’état d’ébauche.
Pourtant, même fragmentaire, l’œuvre de Kafka forme un tout saisissant. Car son art de l’esquisse, c’est aussi celui du dessin, sa passion première. Ses personnages aux silhouettes noires, expressionnistes, semblent tout droit sortis de ses propres récits.
Une langue dépouillée mais évocatrice
En épurant son style de toute fioriture, Kafka cherche à atteindre au plus juste l’idée, l’image mentale. Reste que les mots peuvent trahir la pensée. D’où cette quête incessante de la phrase parfaite, débarrassée des scories de la langue, pour se faire le véhicule transparent de visions intérieures puissantes.
S’il se méfie de la métaphore facile, de la comparaison décorative, Kafka n’en crée pas moins des images fortes, qui frappent l’imagination. Mais elles naissent de cette langue dépouillée, cérémoniale, qui se déploie avec la rigueur d’une partition.
Au-delà du “kafkaïen” : humour et humanité
On a fait de “kafkaïen” le synonyme d’une atmosphère angoissante, absurde, cauchemardesque. C’est occulter une part essentielle de l’œuvre : sa dimension humoristique. Kafka adorait lire ses textes à ses amis, qui riaient aux éclats, même face au sombre destin de Gregor Samsa, le héros de La Métamorphose. Et si la critique a souvent vu dans l’auteur une incarnation de l’aliénation moderne, elle en oublie parfois l’humanité profonde.
Ainsi, la langue de Kafka, d’une sobriété qui confine au dépouillement, s’avère extraordinairement féconde. Matrice d’un univers romanesque et fantastique sans pareil, elle révèle peu à peu sa richesse au lecteur qui accepte de se perdre dans ses méandres. Un siècle après la mort de Kafka, son art de l’esquisse à l’allemande n’a pas fini de nous fasciner.
S’il se méfie de la métaphore facile, de la comparaison décorative, Kafka n’en crée pas moins des images fortes, qui frappent l’imagination. Mais elles naissent de cette langue dépouillée, cérémoniale, qui se déploie avec la rigueur d’une partition.
Au-delà du “kafkaïen” : humour et humanité
On a fait de “kafkaïen” le synonyme d’une atmosphère angoissante, absurde, cauchemardesque. C’est occulter une part essentielle de l’œuvre : sa dimension humoristique. Kafka adorait lire ses textes à ses amis, qui riaient aux éclats, même face au sombre destin de Gregor Samsa, le héros de La Métamorphose. Et si la critique a souvent vu dans l’auteur une incarnation de l’aliénation moderne, elle en oublie parfois l’humanité profonde.
Ainsi, la langue de Kafka, d’une sobriété qui confine au dépouillement, s’avère extraordinairement féconde. Matrice d’un univers romanesque et fantastique sans pareil, elle révèle peu à peu sa richesse au lecteur qui accepte de se perdre dans ses méandres. Un siècle après la mort de Kafka, son art de l’esquisse à l’allemande n’a pas fini de nous fasciner.