Un séisme géopolitique secoue la Syrie. Après plus d’une décennie de conflit sanglant, le régime de Bachar el-Assad vient de s’effondrer tel un château de cartes, plongeant le pays dans l’inconnu. Le dictateur a fui Damas dimanche, laissant derrière lui un pouvoir vacant que se disputent déjà plusieurs factions rebelles. Un nouveau chapitre tumultueux s’ouvre pour la Syrie, avec de lourdes répercussions régionales en perspective.
Chute express du régime et fuite d’Assad
Tout s’est accéléré en quelques jours. Lancée le 27 novembre depuis Idleb par le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, une vaste offensive rebelle a balayé les forces loyalistes comme un fétu de paille. Alep, Hama, Homs puis Damas sont tombées en un éclair. Acculé, lâché par une armée en déroute, Bachar el-Assad a choisi l’exil, s’envolant dimanche de l’aéroport de Damas dans des circonstances encore floues.
Cette débâcle sonne le glas d’un des régimes les plus résilients du monde arabe. Malgré une contestation populaire massive en 2011, une guerre civile dévastatrice et des sanctions internationales, la dictature alaouite avait réussi jusqu’ici à se maintenir, avec l’aide cruciale de ses parrains russe et iranien. Mais éreinté par des années de conflit et miné par les dissensions, l’édifice s’est finalement effondré.
Le rôle-clé des rebelles islamistes
La chute de Damas doit beaucoup à deux groupes ayant uni leurs forces contre le régime : HTS et «l’armée nationale syrienne» (ANS). Cette dernière, qui rassemble entre 50 000 et 100 000 combattants issus de factions rebelles, opère sous la houlette de la Turquie. Ses miliciens se sont illustrés par leur détermination au combat mais aussi par des exactions contre les populations kurdes, qu’Ankara cherche à chasser de la frontière.
L’ANS, ce ne sont pas des enfants de chœur. Ce sont des supplétifs indisciplinés mais bien utiles aux plans d’Ankara en Syrie.
Selon un analyste contacté par une source proche du dossier
Quant au HTS, il tente de lisser son image en se posant en mouvement «nationaliste» éloigné du djihadisme transnational. Mais derrière les discours policés de son chef Abou Mohammed al-Joulani, l’un des terroristes les plus recherchés au monde, se cache un agenda islamiste radical.
Un avenir des plus incertains
Avec la chute du régime, la Syrie entre en terre inconnue. Le HTS, qui contrôle désormais Damas et une large portion du pays, tentera-t-il d’instaurer un «émirat islamique» comme il le revendiquait par le passé ? Parviendra-t-il à s’entendre avec les autres factions rebelles, sous l’égide de la Turquie qui rêve d’une zone tampon à sa frontière ? Quel sort sera réservé aux Kurdes des FDS, lâchés par leurs anciens alliés occidentaux ? Et quelle attitude adopteront les ex-parrains du régime, Moscou et Téhéran ?
Autant de questions qui laissent augurer d’une période agitée, sur fond de possible fragmentation territoriale et de rivalités exacerbées entre acteurs régionaux (Turquie, Iran, Israël…) et internationaux. Un contexte propice à la résurgence de groupes djihadistes, comme l’État islamique qui conserve des cellules dormantes dans le pays.
La communauté internationale, largement prise de court, peine encore à réagir. Mais l’heure des choix approche. Reconnaîtra-t-elle un nouveau pouvoir à Damas issu des mouvances islamistes ? Lâchera-t-elle définitivement les Kurdes ? Laissera-t-elle le champ libre à la Turquie et ses milices ? Ou tentera-t-elle d’impulser un dialogue intersynen pour stabiliser le pays ? Après plus de dix ans d’une guerre qui a fait près d’un demi-million de morts et des millions de réfugiés, la communauté internationale ne peut plus se dérober. L’avenir de la Syrie et de toute la région est en jeu.
